myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

03/05/2020

le sens de l'histoire

quel est le sens d'une histoire ?

Depuis que j'écris sur ce blog, c'est comme si j'avais ouvert les yeux. Tout est maintenant plus sûr, plus clair.
Une histoire nous dépasse. Tout. Simplement.

Je prends donc le temps de rassembler mes idées que j'ai éparpillé deçà et là dans ce blog... car il est clair aujourd'hui que m'astreindre à écrire chaque semaine a amené à revoir le processus d'écriture tel que je le pensais à travers quelques unes (trop peu encore) des oeuvres qui m'ont marqué par leur singularité scénaristique...
Je ne me prétends pas au-dessus du monde, étalant ma science sur une tartine trop large pour en être recouverte intégralement. Je ne prétends pas non plus détenir la vérité absolue, loin - très loin - de là. Mais comme chaque auteur ou auteure engagée dans un processus d'écriture, je sais comment réagir à une longue - trop longue - création.

Déjà, je commencerai pas une approche méta de l'écriture.
Chacun nous écrivons sur ce que nous connaissons. Nous ne pouvons rendre crédible qu'un univers que nous pouvons maitriser.
Par définition, il n'y a que nous dans notre tête. L'auteur ne peut jamais piocher les pensées d'un ou d'une autre. Nous ne pouvons réagir et faire réagir nos personnages que sur notre mode de penser. Et quand on se place dans la tête d'un autre, il ne s'agit en réalité que de nous imaginant - espérant - les réactions d'autres.
Si nous basons des personnages sur des personnes existantes, ils auront une histoire, seront plus solide, se rapprocheront physiquement de ce que nous voulons mais ne serons qu'une seule facette de plus de notre personnalité.

Les personnages d'une histoire ne sont qu'un pan de notre personnalité que nous torturons - ou non - dans une plaisir purement masochiste.

Nos héros sont des reflets de notre propre fantasme à vivre dans une monde nouveau, inventé pour nous (ce qu'on appelle la diégèse).
Ainsi, dans ce nouveau monde sorti de notre imagination, tout est fait pour qu'une de nos personnalités soit le centre de toutes les attentions du récits. Nous créons des mondes pour y faire vadrouiller notre âme, fragmentée, éclatée, entre tous les protagonistes de l'histoire...

Et c'est un peu là où tout fout le camp.

Les bardes sont capables de créer des mondes, de façonner des esprits, d'inspirer les hommes sur des héros tout droit sorti de leur imagination. Et pourtant...

supérieurs

... Nos personnages nous échappent totalement...
Dans les films c'est parce qu'ils sont incarnés par d'autre, des acteurs, qui apportent eux aussi leur propre pensée, leur propre compréhension de l'univers dans lequel le personnage doit évoluer. Ils font grandir un héros de références qui lui manquaient peut-être.
Ils incarnent, travaillent, se mettent dans la peau du personnage et le font évoluer vers une tout autre forme.

Dans les livres, c'est un peu plus compliqué, les héros sont récupérés par les lecteurs qui se font une idée plus précise d'eux en comblant les vides que l'histoire ne décrit pas.
Ainsi, le lecteur pourra s'approprier tel ou tel personnage et le remplir de ses craintes, de ses joies, comprendre sa frustration ou au contraire la rejeter.
Apprécier d'autres personnages. Se revendiquer d'un autre clan.
Une histoire appartient autant à celui qui l'écrit qu'à celui qui l'écoute. Et même encore là, ce n'est pas toujours si simple.

Donc si les héros sont récupérés par les lecteurs, ils passent aussi énormément de temps avec l'auteur qui réécrit, comble, supprime, fragilise ou renforce leur personnalité.
Si dans chaque héros - et personnage -, l'auteur ou l'auteure met le meilleur de lui-même ou d'elle-même, le processus de création étant plutôt long, il évolue.

Les livres sont écrits dans le temps, que ce soit en quelques semaines ou quelques mois - je prends pas mon exemple, je suis trop nul, je mets des années à accoucher d'un truc - et donc les personnages tout comme les héros évoluent avec le contexte : dans quel état l'auteur est pour écrire.
Et avec la psyché : comment l'auteur évolue lui aussi.

Nous évoluons tous au cours de l'écriture. Donc si nos personnages sont des fragments de nos êtres, ils évoluent forcément.
On peut évidemment s'appuyer sur des archétypes dans les contes bien définis.
Le gentil, le copain du gentil, le méchant, le mentor, le comique, le jeune à qui on explique tout comme ça le monde est aussi compréhensible pour le lecteur qui vient d'arriver.
Mais à force de trop faire confiance à l'image et aux histoires déjà écrites (salut Campbell), ne devenons-nous pas nous même des archétypes et ce raisonnement nous force à penser comme des archétypes et à écrire encore plus des archétypes...
Et à cause de la copie d'une copie d'une copie... Nous finissons avec les héros qu'on mérite.

Si nous réagissons comme dans une mauvaise sitcom, comment pouvons nous demander à nos héros de réagir de manière... héroïques...

il y a de l'écho...

La résonance avec les lecteurs, l'interprétation des lecteurs fait qu'une histoire a plus de sens en fonction de qui la lit et de qui la comprend.
Elle touche ou énerve mais suscite toujours des émotions.
Des émotions qui appartiennent donc à ceux qui lisent et sont en rapport avec leur histoire personnel. Comme je l'ai dit plus haut, un lecteur façonne lui aussi l'histoire en fonction de lui-même.
Parfois même pour la prendre à contre-sens.

Et paradoxalement c'est ça qui la rend intéressant, c'est aussi pour ça que les gens qui reprennent aujourd'hui des contes déjà racontés dans leur enfance, comme une madeleine de Proust, en livre une interprétation qui évolue à travers leur histoire personnelle et le contexte actuel.
Un reboot n'est pas toujours intéressant et pourtant il devrait l'être et aux gens qui se plaignent de regarder ou de lire toujours la même histoire, il faut pourtant toujours la remettre dans un contexte et la comprendre différemment.
A part à la botte de producteurs véreux, un auteur est toujours au service de son histoire.
En tout cas, un auteur devrait toujours être au service de son histoire. Il ne devrait pas se laisser dicter des choix artistiques pour des causes mercantiles ou financières.

L'auteur est un dieu tout puissant dans son monde qu'il peuple d'écho de lui-même.

Vous savez que je crois en dieu ?
Pas forcément au dieu catholique mais en tout cas une entité supérieure.
Un dieu qui insufflerait un peu de lui dans chacun de nous. Une part divine ou au moins exceptionnelle qui nous a permis de penser.
Pourquoi je crois en ça, parce que le parallèle est facile, si dieu est auteur et que nous sommes son histoire, il a forcément mis en nous une partie de sa personnalité.
Mais ce n'est pas comme ça que je crois en dieu.
Et encore une fois, je vais faire un parallèle entre l'auteur et dieu, parallèle si facile.

Si Dieu existe alors, pour moi, il nous laisse tranquille. Je ne pense pas qu'il a créé la vie ou l'univers, mais qu'il raconte une histoire, notre histoire, et qu'il se satisfait quand ses personnages brisent les chaines.
Car les personnages peuvent (et doivent) se rebeller contre l'auteur.
L'auteur doit laisser ses personnages vivre sans lui. Sinon, il n'a pas réussi à créer quelque chose.
Je mets donc les religieux en face de leurs contradictions, si tout est fait par dieu et pour dieu alors dieu a échoué.

L'auteur a besoin de ses personnages, dieu a besoin de nous. Mais les personnages n'ont pas besoin de l'auteur pour exister, sinon l'auteur est mauvais.

Je débattrai un jour sur ma foi incertaine, mais en attendant, je vais arrêter ici ce parallèle.
Surtout qu'aujourd'hui les auteurs ont perdu cette stature de dieu car ils passent leur temps à continuer une histoire finie, à débattre et à se justifier.
Je ne suis pas contre la critique. Mais un auteur ne devrait pas à se justifier face à un public de plus en plus exigeant.

Nous sommes de plus en plus exigeant car nous comprenons les facilités d'écritures comme telles.
On est tolérant jusqu'à un certains points mais laissez tomber les deus ex machina et les fins baclées par paresse.
Plus exigeants ne veut pas forcément dire qu'on ne peut - veut - plus suspendre notre crédulité, bien au contraire, mais il faut pour cela nous proposer quelque chose de réaliste (pas réel, ni même possible)

épilogue et moi

Enfin, ce blog m'a appris quelque chose, donc.
Une bonne histoire c'est d'abord une bonne idée, mais pas seulement.
C'est aussi une recherche de l'impossible, une recherche de la perfection, de l'amour, de la transcendance.
Une bonne histoire c'est un graal qu'on ne trouve jamais, chaque échec nous rapprochant un peu plus de ce que l'on veut obtenir et transmettre.

Une bonne histoire c'est des personnages, ancrés dans le réel - avec ces biopics qui plaisent tant à nos cinéastes, j'en ai parlé la semaine dernière - c'est à dire avec une histoire connue, des témoignages, un mimétisme documenté.
Ou complètement imaginé, mais qui ressemble fatalement à l'auteur ou à l'idée que se fait l'auteure de l'archétype qu'elle décrit.

Une bonne histoire c'est enfin, une oeuvre qu'on vit à plusieurs.
LITTERALEMENT.
Il y aura toujours celui qui écrit, celui qui lit, celui qui joue, celui qui comprend, celui qui interprète, celui qui oublie...
Tout ça, nous dépasse nous même.

Et c'est là que je voulais en venir.
Parallèlement à ce blog, vous le savez certainement, j'écris.
J'écris une histoire qui me passionne depuis qu'un de mes amis m'a plongé dans l'univers de Donjon et Dragon.
Cela dure depuis trop longtemps, j'ai posé les bases de cette histoire en 2010 et seulement 10 ans plus tard j'arrive au bout de l'aventure.
Les derniers chapitres sont si intense que je me suis mis à faire des plans, des illustrations, des cartes. Mais ces chapitres sont là. Encore 2 chapitres et je pourrais écrire la conclusion à une histoire qui aura pris 10 ans de ma vie - j'ai un travail en même temps, donc ce n'est pas 10 ans à temps plein et j'ai écris beaucoup d'autres chose en même temps, mais admettons.

Mes personnages sont comme moi, ils ont bien évolué en 10 ans, mon style a évolué (j'ai réécrit la première partie 4 fois).
Je n'échappe pas aux lieux communs de la fantasy ni à certaines paresses d'écriture que je gommerai - je l'espère - lors de la longue phase de correction/réécriture qui m'attend cet été.
Ce n'est peut-être ni très bon, ni très mauvais mais je sais que cette histoire a le mérite d'exister.

J'attends ensuite de vous que vous la lisiez à votre tour et que vous me disiez ce que vous en penser, que vous l'alimentiez de vos impressions et de vos interprétations.
Quelle direction lui donner...
Quant à la suite ? Pourquoi l'écrire...
Et si ce n'était pas à moi d'écrire la suite ? Et si ce monde je le laissais. Et si j'appliquais toutes les conclusions sur le héros qui brisent ses chaines et les auteurs qui doivent savoir s'arrêter à temps !

Dans cette histoire, je lance un monde.
Et comme dieu, je dois maintenant disparaitre !

Plus que 3 chapitres.
Je me suis laisser dépasser par mon histoire, mes héros, ma vie autour.
C'est épuisant. Mais c'est bon.
Plus que 3 chapitres.

Bonne semaine
Prenez soin de vous !
Surtout prenez soin de vous...

Et puis merde écrivez vous aussi ! Vous verrez comme c'est cool !

à suivre...

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