myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
26/04/2020
l'impossible biopic
Les biopics sont des films biographiques. Le mot vient de la contraction de "biographies" et de "pictures" qui veut dire image en anglais. On pourrait donc parlé de biografilm par exemple en bon français d'aujourd'hui - c'est à dire en bon québécois.
Depuis quelques années déjà, les biopics sont de plus en plus nombreux. Il y a des films, des dyptiques (deux films qui se suivent) ou des séries entières (moi j'ai décroché de Narcos, ne m'en voulez pas)... Mais dans tous les cas ces films sont passionnants pour plusieurs raisons.
Les biopics sont tout d'abord fascinants.
Qu'un acteur ou une actrice puisse à ce point - quand le biopic est bon - incarner un personnage célèbre est toujours fascinant.
Les acteurs deviennent des miroirs, s'entrainent, grossissent... Se préparent en regardant des vidéos du personnage. Ils miment.
De là, vient ma première contradiction : pourquoi est-ce que tous ces acteurs gagnent des oscars ? Je veux dire :
- Bohemian Rhapsody : Rami Malek décroche l'oscar du meilleur acteur.
- Les heures sombres : Gary Oldman incarne Winston Churchill pendant la guerre juste après...
- Le Discours d'un Roi : Oscar du meilleur acteur pour Colin Firth.
- Lincoln : Daniel Day-Lewis.
- Une merveilleuse histoire du temps : Eddie Redmayne...
Et ça c'est que pour les années 2010. Avant ça, Sean Penn, Jamie Foxx, Philip Seymour Hoffman ou encore Ben Kingsley ont tous été récompensés par des oscars pour avoir incarné un personnages célèbres dans ces fameux biopics.
Mais par exemple pour prendre Rami qui joue Freddy Mercury. Je ne comprends pas. Il a été Oscarisé pour avoir mimé, certes à la perfection, un concert de 20 minutes en chantant en playback. A ce rythme là, vous pouvez oscariser n'importe quelle chanteuse d'aujourd'hui qui sait bouger les lèvres sur une bande-son (d'ailleurs le mec qui a posé du Queens sur le biopics de Mercury a aussi été oscarisé).
Bon, je sais bien qu'il a apparemment réellement chanté. Mais il n'avait pas le timbre de Freddy.
Je ne sais pas qui méritaient l'oscar du meilleur acteur en 2019, mais peut-être quelqu'un de plus original.
Les acteurs donc tentent avec plus ou moins de succès d'incarner le personnage qu'ils décrivent. En copiant ses gestes, ses danses, ses tics (Xavier Demaison ne ressemble pas à Coluche dans l'Histoire d'un mec pourtant, il salue avec une raideur dans le petit doigt et ce détail fait beaucoup).
Si la préparation des acteurs méritent donc le respect, leur mimétisme mérite-t-il un oscar ?
A vous de juger. Est-il plus facile de jouer un roi begue ou faire du playback sur du Queen ?
La question reste ouverte, mais vous avez compris le principe.
Les biopics sont en tout cas le lieu idéal où les acteurs peuvent s'exprimer. Le film ne reposant que sur eux et sur leur prestation, dans la plupart de ces biopics, la réalisation est classique et tout le film ne tourne qu'autour du personnage - ou plutôt de l'acteur qui l'incarne...
Alors à qui profite le crime ?
Qui sort grandit du biopics ?
BIOGRAPHIE !!
Ensuite dans les biopics, il faut distinguer deux façons de faire : la vision globale. On prend la vie du mec et on la raconte du début à la fin ou on raconte une partie représentative de la vie du personnage qui exprime la quintescence de ce qu'il a été.
En ça Lincoln est un bon exemple, il ne parle que de la fin de la vie du président occultant toute sa jeunesse où il était Chasseur de Vampire - oui Abraham Lincoln, Chasseur de Vampire est classé dans la partie biopics de ma bluraythèque.
Quand on croit connaitre un personnage et qu'on veut raconter sa vie, il faut soit la raconter du début à la fin, soit découvrir où et quand a eu lieu le twist qui l'a fait devenir célèbre !
D'ailleurs, c'est le principe de toute histoire biographique qu'elle soit biopicturale ou non.
Pour que nous puissions nous identifier à un personnage (célèbre ou non, réel ou non) il faut que nous comprenions qui il est.
Pour savoir qui il est il faut qu'on comprenne ce qu'il a vécu. Est-ce une expérience traumatisante qui l'a changé à jamais ? Est-ce un victoire qui l'a révélé ? Il faut trouver un angle, une histoire à raconter.
Dans Invictus - mais est-ce bien un biopic sur Nelson Mandela ? - on voit l'histoire du premier président sud-africain noir dans le prisme de la coupe du monde de rugby 1995.
Ainsi, "Madiba" est racontée au travers de cette coupe du monde. Ses décisions politiques à propos des couleurs de l'équipe nationale de rugby des Springboks sont révélatrices et caractéristiques de sa personnalité, de sa force et de sa sagesse.
C'est en tout cas ce que veut nous montrer Clint Eastwood le réalisateur qui dirige un Morgan Freeman qui, une fois n'est pas coutume dans un biografilm, incarne à la perfection le président Nelson Mandela - au point que certaines personnes ont partagé sa photo à lui lors de la mort de Mandela en 2013.
Il faut dire Mandela lui-même avait affirmé que seul Morgan Freeman pouvait l'incarner. Fin du casting.
Morgan Freeman qui a été nommé pour l'Oscar mais qui ne l'a pas eu face à Jeff Bridges pour Crazy Heart.
Encore une fois, je vous laisse juge, mais de toute façon, j'adore ces deux acteurs
Prendre un morceau de vie ou toute une vie, c'est le grand débat.
D'ailleurs, Antoine de Caunes s'est peut-être planté en ne choississant de parler de Coluche qu'à travers sa candidature à la présidentielle. Mais c'est un angle...
Depuis tout à l'heure je parle de personnage et je fais exprès...
Une personnalité public devient systématiquement un personnage.
En vrai, nous sommes tous des personnages. Nous jouons nous mêmes avec notre légende, notre histoire sur nos épaules.
Nous sommes ce que nous avons fait de nous et nous sommes, bon gré, mal gré, le personnage que nous jouons.
"Tout le monde porte un masque..." et il n'y a que nous qui savons ce qui se cachent derrière le masque.
Si les biopics sont aussi populaires c'est aussi parce qu'ils racontent ce qui se passe quand le personnage n'est plus public.
Nous sommes des voyeurs qui voyons comment Cloclo se comportait avec France Gall par exemple. Nous voulons savoir comment lui ai venu l'idée de Comme d'habitude.
Et le film mets en lumière tous ces moments qu'on peut lire dans les journaux ou que les proches ont raconté.
Parfois on prend certaines distances avec la réalités, on est imprécis, on romance un peu. Mais on reste dans le réel.
crédible ou réel ?
Parce qu'il est là le nerf de la guerre et si les cinéastes aiment ces films ce n'est probablement pas pour leur coté voyeur.
C'est peut-être aussi très probablement pour cette approche à la réalité.
Le cinéma veut être réel. Le cinéma veut nous offrir des divertissements de plus en plus réels.
Je ne sais pas si le cinéma a été vexé qu'on puisse dire des choses comme "ça n'arrive que dans les films" ou "les effets spéciaux sont nuls" ou encore "non mais c'est même pas crédible".
Je ne sais pas à quel point le cinéma souffre d'un complexe d'infériorité avec la réalité et prend si mal les moqueries sur ses décors en carton-pâte ou ses effets ratés de 3D digne d'une PS2.
C'est pour ça que Jon Favreau a voulu que son bébé (de la race de) Yoda soit une marionnette et non pas un effet 3D, les marionnettes vieillissent moins rapidement que la 3D au cinéma (dans The Mandalorian - oui je vous jure dans cette série y a un bébé Yoda !! truc de fou ! surprise totale !)
Donc depuis le cinéma a besoin de réel ! Le cinéma est même parfois plus réel que réel (mais ça on en parlera une autre fois).
Et c'est pour ça que le cinéma aime les biopics ! C'est réel, ça parle de vrais gens !
De vrais gens mais avec une vie fantasmée...
On en vient à cette question : est-ce que tous les biopics sont factuels.....
Non. On ne peut pas faire un film réel. On a besoin d'incohérence pour le replacer dans son époque. Pas dans l'époque du film où l'on parlera plutôt d'anachronisme, synonymes de décrochage immédiat, mais dans l'époque dans laquelle le film sort.
Un tout petit exemple tout bête. Dans le film L'histoire d'un mec, toujours, Coluche apprend la mort de John Lennon le 8 décembre 1980. En France pourtant, nous n'avons appris sa mort que le 9 décembre dans les journaux. A cause du décalage horaire et du fait que les journaux. Si jamais dans le film Coluche l'avait appris le 9 à l'heure des chaine d'infos en continue, on aurait accusé le réalisateur de se planter.
Il y a aussi, dans un autre registre, les biopics fantasmés. Alors, je n'ai pas encore vu celui d'Elton John, mais par exemple, en forçant un peu, on pourrait voir dans The Greatest Showman un biografilm de PT Barnum l'inventeur du cirque... Et du barnum ?
On a bien l'essence de la vie du mec (joué ici par Hugh Jackman, un grand showman) un artiste-bonimenteur visionnaire, mais je doute que lui et sa troupe parlaient en chantant tout le temps.
Ou encore Edmond mais peut-on parler de biopics tant il semble vraiment fantasmé.
Dans le même registre on a Molière mais on s'éloigne du thème tant ces histoires sont des histoires qui s'accrochent au texte original (Cyrano de Bergerac pour Edmond par exemple) en faisant vivre au personnage les situations qu'il écrira dans ses pièces.
On pourrait appeler ça des contre-biopics.
Ma transition est donc tout trouvé pour vous parlez du film qui m'a fait digresser toute la soirée et qui m'a donné envie d'écrire sur les biopics : Tolkien !
l'impossible biopic, donc
Tolkien, donc est un film réalisé par Dome Karukoski et c'est un film... - je finirai cette phrase à la fin de mon exposé.
Tolkien raconte la jeunesse de Tolkien, son amour, ses années a Oxford et sa participation à la grande Guerre de 1914 en 1916.
Cette guerre qui lui aurait inspiré ses premiers écrits.
Il faut dire qu'il a failli mourir de la fièvre des tranchées et on peut voir dans ce film qu'il subit quelques hallucinations sur le champ de bataille. Jusqu'à voir le Grand Sauron - spoiler alert.
On y découvre donc l'essentiel de sa scolarité, sa rencontre avec un mentor à la barbe blanche et sa passion pour le mot CellarDoor en particulier et les langues en général. On apprend surtout que c'est un gars qui imagine beaucoup de choses mais qui ne sait pas raconter les histoires.
Puis dans l'imagerie de la guerre, on découvre qu'il voit des allemands quand des soldats allemands viennent avec leur lance-flamme et qu'il aperçoit des chevaliers qui se battent à cheval sur le champ de bataille...
Il est officier donc il est accompagné d'un soldat plus jeune qui prend soin de lui et qui s'appelle Sam.
Oui... Et ?
Et il revient à Oxford, il est heureux et 5 minutes plus tard le film se finit par "in a hole in the ground, there lived a hobbit."
Voilà. On apprendra pas grand chose de plus mais ce film, s'il est très moyen finalement, a été intéressant. Parce qu'il m'a permis de me poser quelques questions...
Aujourd'hui comment faire un film sur J.R.R Tolkien ?
Si Edmond et Molière (les films pas les gars) ont l'intelligence de reprendre les textes de l'auteur qu'ils décrivent, Tolkien se base avant tout sur... les films de Peter Jackson.
L'esthétique général ressemble au film du Seigneur des Anneaux. Les routes pavées d'Oxford avec les ombres des quatre amis qui marchent. Les scène de bataille. Bon, c'est toujours le même décor, on sent que le film n'a pas les moyens d'écrire une légende du niveau de son personnage.
Mais dans les scènes de la bataille de Somme, on voit bien Aragorn face au Mordor. Ou plutôt Frodon, vous voyez cette scène où l'oeil se braque sur lui et où il s'évanouit. On a la même scène de Tolkien face à une illusion, image de Sauron, qui s'écroule.
Juste avant, il est emmitouflé dans une couverture, d'où ne sort que son visage, allongé, les yeux (bleus) fixent le vide au-dessus de lui... ça ne vous rappelle rien ?
Ou cette relation qu'il a avec son professeur (on ne le voit que 5 minutes, mais il a tout du Gandalf un peu bourru).
La fraternité qu'il crée. Mais qu'il ne voit plus après...
Bref ce film dit quelques trucs, en oublie énormément et tout ce qu'il fait, il le fait en ne pensant qu'au seigneur des anneaux le film.
Et si, raconter une histoire "inspirante" ça marchait dans les deux films français que j'ai cité précédemment, ça ne marche pas dans Tolkien.
Même la musique, on a l'impression que c'est une repompe de ces chants elfiques, des voix cristallines qui répètent la même rengaine.
Les parties qui étaient pour moi les plus intéressantes, sont racontés en quatre phrase : "les mots n'ont pas de sens s'ils ne racontent pas une histoire." est la dernière phrase que lui dit son ami avant qu'ils ne soient séparés.
Ou encore sa copine qui dit : "tu ne peux pas créer une langue juste à base de jolies sonorités"
C'est, si cette histoire est vraie, toute l'essence de Tolkien qui est dans ces deux dialogues. Si Tolkien a écrit toutes ces histoires (du Silmarillion à la chute de Gondolin, en passant par le Hobbit et bien sur le Seigneur des Anneaux) n'ont été écrites que pour donner corps à la langue qu'il avait créée.
Et, bien que le film ne soit pas un ratage total, le réalisateur échoue car il veut ressembler aux adaptations sans aller chercher plus loin...
Alors je dis le réalisateur, mais on sait qu'au cinéma ça va un peu plus loin que ça. Est-ce que les producteurs voulaient donner une tonalité Jacksonesque au film pour surfer sur le cultissime Lord of the Ring ?
Est-ce qu'on ne peut plus faire autrement que de copier au moins un certain style ou une charte graphique du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson ?
Je ne sais pas.
On sait par exemple que lorsque Guillermo del Toro était encore aux commandes du Hobbit, il voulait en faire quelque chose d'un peu différent. Et finalement pour un tas de raisons différentes n'a pas réussi à imposer son style ou ses idées.
Ou alors on peut se dire que Peter Jackson est tellement documenté, tellement bien accompagné (je rappelle qu'il a été suppléé par John Howe et Alan Lee qui ont bossé pour faire des milliers de dessins tout au long de la production) que son travail devient l'équivalent d'une thèse à laquelle on peut se référer.
Après si on va plus loin dans le meta - et vous savez que j'aime ça - on pourrait se dire que le meta passe son temps à s'auto-référencer, à s'auto-alimenter et on ne peut pas faire un film sur Tolkien sans reprendre le film Seigneur des Anneaux !
épilogue épinglé
Tolkien est un film moyen. Le fait qu'il est du avoir peu de moyen et un réalisateur plutôt inconnu (désolé gars, ça veut probablement rien dire, mais tu n'as peut-être pas pu t'imposer) fait de ce film un film passable qui ne sera jamais un grand biopic et qui, c'est un avis pas un fait, ne raconte pas grand chose.
Quelques plans sont sympa, les clins d'oeil appuyés sont... bah un peu trop appuyés... Et on s'ennuit quand même pas mal.
Après admettons, faire un film sur un mec qui a passé une bonne partie de sa vie à écrire (en cours) c'est pas funky. Mais même il a participé à une guerre et même ça c'est raté. On voit toujours les mêmes plans, toujours la même musique (une pale copie de celle d'Howard Shore) ne rend pas hommage à ses délires fiévreux qui l'auraient donc inspiré.
Je ne dis pas que faire un biopic est chose facile. Car on touche alors à une image d'un personnage public et un personnage public appartient un peu à tout le monde.
Ou en tout cas tout le monde en a soit une idée bien précise, soit une version un peu plus idéalisée (voire carrément un fantasme).
On peut décevoir, on peut trahir. On peut romancer, on doit romancer même. On fait un film je vous le rappel, il faut des enjeux.
The Social Network est un film que j'adore et même si j'aime croire cette histoire de la création de Facebook, j'imagine cela un peu plus ennuyeux. De toute façon avec les programmeurs c'est soit fun soit chiant. Je conseille la très bonne série Silicon Valley, on me l'avait conseillée y a très longtemps mais je me suis fait l'intégrale récemment et c'est vraiment classe.
Bref, je pense, tout comme la femme et le meilleur ami de Tolkien, que les mots ont besoin d'une histoire pour les accompagner, que les mondes ont besoin d'une histoire pour les lancer...
C'est pour ça que le Seigneur des Anneaux est si culte. Tolkien a créé une mythologie (en se basant parfois sur de vieilles légendes germaniques et nordiques) mais c'est le Hobbit qui a rendu le monde crédible.
J'avais écrit un peu plus tôt dans ce blog qu'une légende c'est ce qui doit être lue, et par extension doit être raconter.
Si tu inventes une langue, c'est bien. Tu es doué.
Si tu inventes un monde bravo. C'est génial.
Mais c'est l'Histoire qui les intègre et les rend légendaires !
Nous avons tous une légende à raconter. La construction de soi est comme la construction d'un monde. Les projets qui se réalisent sont parfois légendaires. Mais personne ne prend le temps de s'assoir à une table et des les écrire. Personne ne prend le temps de les raconter.
Je prendrais l'exemple, facile, du dernier magasin que j'ai aidé, modestement à monter, les histoires que j'y ai vécu sont légendaires, le lien avec cette équipe restera probablement un des liens les plus fort que nous avons (nous-mêmes) tissé.
Mais s'il n'y a personne pour le dire ou le raconter.
Et encore moins de gens pour s'en souvenir...
Alors le magasin sera vide. Avec son histoire pour le lancer, il est devenu légendaire.
Une fois encore je vous demande de partager vos histoires. Partagez votre vie, contrsuisez votre légende. Nous n'avons de sens que si nous voulons bien nous en donner un. Nous sommes tous les personnages de notre propre biopic et nous devons chercher l'histoire qui nous a construit, les instants qui nous ont défini.
C'est un peu comme ces basketteurs, ils posent le ballon sur le bout de leur doigts. C'est juste un ballon. Alors, ils le font tourner et ce ballon devient autre chose. Une figure, un élan...
Vivez, racontez et faites tourner le monde.
A la semaine prochaine.
Prenez soin de vous !
à suivre...