myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
08/07/2019
Deus Ex Machina mon cul !
Nous attendons tous un Deus Ex Machina...
Nous attendons tous que quelqu'un nous sorte de notre merde. Et pourtant... Nous ne voulons pas les voir au cinéma ou dans les séries.
Comme je le disais précédemment le (télé)spectateur, lecteur, le cinéphile averti est de plus en plus "aware" des techniques cinématographiques et ne peut plus être aussi facilement duper.
L'humanité, dans son ensemble, grandit, évolue, devient plus intéressante. Oh, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, une grosse majorité de gens est conne, inintéressante et stagne. Et c'est cette majorité que l'on entend le plus. Mais mine de rien, on grandit.
Pas plus tard qu'il n'y a 70 ans, personne ou presque, ne comprenait la théorie de la relativité. Il y a 70 ans, nous n'avions pas marché sur la Lune et aujourd'hui on a réussi à se poser sur une comète pour la prendre en photo. Il y a 70 ans l'informatique n'en était qu'à ses prémices et nous avons aujourd'hui tous un téléphone dans les mains. Ce que je veux dire c'est que nous apprenons peu à peu de plus en plus de techniques...
Et nous apprenons de plus en plus les codes qui nous entourent. Ici, ce sont les codes scénaristiques qui m'intéressent le plus. Et par scénarii, j'entends aussi bien livre que cinéma que série...
Nous avons toujours su raconter, écrire, jouer. Il n'y à qu'à voir Homère, Chrétien de Troyes, René Barjavel, Tolkien... Mais aujourd'hui les lecteurs sont "habitués".
non mais on connait...
Si vous connaissez Joseph Campbell, alors vous savez que la plupart des histoires que l'on nous raconte sont une seule et même histoire.
Il n'est d'ailleurs pas toujours apprécié et commence à être de plus en plus cité. Mais en gros, ce Campbell résume toute notre mythologie actuelle par son monomythe :
Un jeune héros (Luke Skywalker) banal est appelé à l'aventure.
Il est aidé par un mentor (Dumbledore)
Passe des épreuves, vainc des monstres, échoue, se relève, etc... (disons qu'il porte un anneau vers le Mordor)
Réalise son but en se révélant (qu'il devienne sorcier, Jedi ou roi de Narnia).
Retourne dans on monde grandit (Neo menace les machines et s'envole)
Bref, comme dirait l'autre : le héros a un problème, il le résout, fin.
Le cheminement est clair, simple, reproduit à l'infini sans qu'on gueule trop. Avec plus ou moins de classe, que ce soit la légende du roi Arthur ou la quête de survie de Katniss Everdeen (j'arrive pas à croire que je cite ça) nos héros sont amené par la force des choses dans un monde et s'en sorte grandit.
Il y a peu donc, nous regardions les mêmes films sans en demander plus que ça. Et c'est encore le cas aujourd'hui, il n'y à qu'à voir le nombre de suite, de reboots, de films qui se ressemblent. Il y a eu une période Western, ensuite une période Action Heros des années 1990, puis la période des super héros...
Je m'égare.
Si jamais nous acceptons plus ou moins qu'on nous serve la même soupe, c'est parce que notre esprit critique se laisse bercer par une nouvelle technologie, un jeu d'acteur, un travail de metteur en scène, un style d'écriture.
Mais de plus en plus, nous demandons à nos "conteurs" de nous raconter l'histoire un peu différemment et d'éviter toutes facilités d'écritures. Et nous l'avons vu plus tôt c'est pas toujours évident d'écrire.
Prenons par exemple, Avatar. Je tiens à préciser que je ne l'ai toujours pas vu et que je vais critiquer sans savoir parce que c'est facile et que Avatar, comme beaucoup de films actuels est symptomatique de l'époque dans laquelle on vit... Non mais sans déconner, je vais juste cracher mon venin et repartir aussi sec.
Avatar n'est pas écrit. Avatar n'a jamais été écrit. Ce n'est pas le seul dans ce cas mais il n'est pas écrit.
Là, ça se voit, le monomythe est sur-utilisé. C'est une repompe de Pocahontas et de Starship Trooper.
Ce qui me dérange c'est précisemment ce que j'ai décrit plus haut. S'il y a une nouvelle technologie (et oui, l'image est belle, l'univers est cohérent) on peut oublier tout le reste...
Et le plus gros problème d'Avatar a été de capitaliser uniquement sur ça. Et toute la promotion, énorme aujourd'hui, y a un budget pour ça, a été calqué sur "vous n'en croirez pas vos yeux" pour le reste cassez-vous.
Si on considère que le plus important c'est l'écrit, alors ils sont nombreux à être mal écrit. Bien réalisé, bien amené, mais mal écrit.
La prélogie Star Wars, par exemple, méritait mieux. Comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, Star Wars est basé sur le Monomythe et il a été fait comme un petit film avec des bidouilles
La prélogie s'en éloigne et ça aurait pu être très bien. Elle s'en éloigne en voulant nous parler politique et comment, dieu sait que c'est important aujourd'hui, une démocratie bascule dans une tyrannie.
Mais elle le fait très mal.
Déjà parce qu'elle essaie de séduire de plus jeunes fan avec de belles images et des gags. Ensuite parce qu'elle se perd dans une relation amoureuse qui prend trop de temps et d'espace dans l'intrigue et enfin parce que le moment tant attendu est bâclé, comme la fin d'Harry Potter, la fin de Game of Thrones, etc (mais je me répète).
Daemonium Ex Machina.
On en vient à parler du fameux Deus Ex Machina.
De plus en plus de personnes comprennent le Deus Ex Machina comme il est. Comme cela se voit de plus en plus, les gens le comprennent de mieux en mieux.
Et nous avons tous des exemples en tête. Prenons un des plus connus, les Aigles "de Gandalf", créatures mythologiques, grands Maiar, servants du Seigneur des airs, secourent Gandalf de la tour d'Orthanc, Frodon et Sam de la lave, attaquent les dragons des Nazguls lors de la dernière bataille de la terre du milieu.
Ils apparaissent comme ça.
Pourquoi pas avant ? Parce qu'ils sont resté neutres toute leur vie. Parce qu'ils ne sont pas là pour ça, j'en sais rien. Mais en tout cas, ils arrivent toujours à point nommé (deux fois dans Le Hobbit, deux fois dans Le Seigneur des Anneaux) et toujours quand on ne s'y attend pas.
Voilà la définition d'un Deus Ex Machina. Une "divinité" qui fait avancer l'intrigue. L'origine ? Une machinerie complexe dans le théatre grec qui au moyen de levier et de corde faisait apparaitre sur scène un Dieu qui débloquait une situation.
Ceux qui ont joué à Indiana Jones and The Fate of Atlantis voient très bien Indy jouer avec ses leviers pour déloger la grande Sophia (une ex) de la scène où elle dit recevoir des ordres d'un grand dieu de l'Atlante.... Ceux qui n'ont pas joué, foncez. Vous ne devez pas passer à coté de ça.
Aujourd'hui, on les voit trop ces Deus Ex Machina... Vous avez tous en tête une apparition qui a changé le cours d'une histoire. Dans l'avant dernière saison de Game of Thrones, par exemple : pour gagner du temps, Jon Snow part à cheval au milieu d'une armée de zombis et.... meurt ? Non... et est sauvé par son oncle mort vivant qui arrive avec des fléaux de feu.
Dans Avengers 2, c'est plus ou moins assumé, Nick Fury arrive avec deux héliporteurs du SHIELD pour sauver les civils de Krakovie
Dans Avengers Endgame, le Deus Ex Machina est aussi le final et ce pourquoi les héros se sont battus tout au long du film.
Dans certains films, les héros revient indemne et ne prend même pas la peine d'expliquer comment (à vrai dire, là je voulais citer un film, mais je ne me souviens plus où j'ai vu ça, donc je changerai peut-être)
Dans Harry Potter - et oui, je ne vous ai pas oublié mes Potterfan - l'épée des Gryffondor dans le chapeau ? Sérieux ?
Dans la Guerre des Mondes, les extra-terrestres tombent malades... Spoiler Alert !
Dans la Bible, Jesus qui revient et tous les apôtres deviennent polyglottes ! Bim ! Deus ne porte pas son nom pour rien non plus.
Speed Racer, avec la jeune japonaise qui vient avec le permis de courir le Grand Prix. Si vous n'avez pas encore vu Speed Racer... Aller ! Vite !! Aller !!
Interstellar......
Interstellar... Encore un bon exemple... Sans rire. J'adorais ce film. Bon, y a quelques passages limite limite. Aller sur une planète près d'un trou noir pour voir sa fille grandir d'un coup et pleurer, c'est facile. Sortir Matt Damon, Wow, bien. Les robots qui ne deviennent pas méchant comme dans tous les films avec des robots, pas mal
On sait qu'il va exploser le vaisseau parce que la porte est mal fermée. Trop long. Hans Zimmer ? Tu découvres l'orgue ?
Le film est bien... Mais la séquence du "trou noir" ? Y avait pas mieux à faire ? C'est le pire Deus Ex Machina de l'histoire ! Le coup du voyage dans le temps mais oui mais non... ET TU T'EN SORS VIVANT ?! Nolan, je te hais. T'es pas mauvais mais tu fais tout pour que je te déteste.
si tu veux pas de Deus Ex Machina...
Ne mets pas tes héros dans une situation dont ils ne peuvent pas sortir sans "intervention divine".
D'ailleurs, ceux et celles qui écrivent en laissant leur héros dans des situations désespérées se sentent peut-être eux-mêmes comme des dieux. Je ne parlerais pas de Werber et des suites des Thanatonautes où l'auteur se prend carrément pour un dieu.
Mais à force de jouer avec leurs héros et de les faire danser comme des marionnettes. peut-être ont-ils se complexe. Alors il y en aucun qui va jusqu'à Werber : "en fait nous sommes dans un livre !?"
Maintenant, pour moi, ce sont des facilités d'écritures. On pousse le héros au bord de la rupture et... On ne sait pas l'en sortir, donc. Les aigles, l'arche d'alliance...
Posons-nous avant de nous quitter la question : pourquoi mettre son héros au bord du précipice ?
Pourquoi lui donner l'occasion de vouloir abandonner ?
Pourquoi lui faire prendre de mauvaises décisions et le faire sortir de manière miraculeuse ?
Prenons par exemple une dernière fois Le Seigneur des Anneaux par exemple, s'il est admis que les aigles sont un Deus Ex Machina que l'on peut accepter, dans le film - et j'insiste dans le film, un nazgul attaque Gandalf, pète son baton et... un cor sonne et Gandalf est sauvé. Le dragon avait l'occasion de détruire un des derniers magiciens (le plus puissant en plus) et tourne les talons car Théoden arrive avec une armée ?
Cette scène est pathétique dans le sens premier du terme déjà parce que Gandalf est à terre alors que c'est Gandalf. Ensuite parce qu'elle n'est là que pour nous faire pitié en fait et ça ne marche pas. Car on ne se dit plus aujourd'hui "Oh mon dieu, nos héros sont acculés ? Que va-t-il se passer ? Pitié..." On dit "bon ils vont s'en sortir". Le héros lui n'en sort pas grandit, l'histoire non plus et le méchant devient une non-menace car il est débile.
Il est intéressant de voir que dans le Livre de Tolkien, cette scène n'existe pas.
Gandalf, face au roi des sorciers, sort de nouveau son fameux "vous ne passerez pas !" :
Le Seigneur des Nazgûl pénétra à cheval dans la ville. Grande forme noire détachée sur les feux qui brûlaient derrière elle, sa stature devenait une immense menace de désespoir. Le Seigneur des Nazgûl passa ainsi sous la voûte que nul ennemi n'avait franchie, et tous fuirent devant sa face.
Tous sauf un. Attendant là, silencieux et immobile dans l'espace précédant la Porte, se tenait Gandalf monté sur Gripoil : Gripoil qui, seul parmi les chevaux libres, affrontait la terreur sans broncher, aussi ferme qu'une image taillée dans Rath Dínen.
"Vous ne pouvez entrer ici, dit Gandalf - et l'ombre énorme s'arrêta. Retournez à l'abîme préparé pour vous ! Retournez ! Tombez dans le néant qui vous attend, vous et votre Maître. Allez !"
Le Cavalier Noir rejeta son capuchon en arrière, et voilà qu'il portait une couronne royale ! Mais elle n'était posée sur aucune tête visible. Les feux rouges brillaient entre elle et les larges et sombres épaules enveloppées dans le manteau. D'une bouche invisible sortit un rire sépulcral.
"Vieux fou ! dit-il. Vieux fou ! Mon heure est venue. Ne reconnais-tu pas la Mort quand tu la vois? Meurs maintenant et maudis en vain !" Sur quoi il leva haut son épée, et des flammes descendirent le long de la lame.
Gandalf ne bougea pas. Et, au même moment, loin derrière dans quelque tour de la Cité, un coq chanta. Son chant était clair et aigu, insoucieux de toute sorcellerie et de toute guerre, saluant seulement le matin qui dans le ciel, bien au-dessus des ombres de la mort, venait avec l'aurore.
Et comme en réponse s'éleva dans le lointain une autre note. Des cors, des cors, des cors. L'écho se répercuta faiblement sur les flancs sombres du Mindolluin. De grands cors du Nord, sonnant furieusement. Le Rohan arrivait enfin.
Dans cette version écrite... On ne doute pas que Gandalf aurait pu lui maraver sa gueule, il ne perd pas son baton, il n'est pas sauvé par les cors. Il n'est pas en mauvaise posture, il tient encore la ville. Fier, Fort et il ne veut pas qu'on lui marche sur les pieds !(Rasta Rocket). C'est peu de chose (et on voit que Jackson et sa femme ont respecté le livre pourtant en citant directement le roi sorcier) mais ça change tout...
épilogue, à moins que...
Se laisser duper, oui.
Être bon public ? Toujours...
La suspension volontaire de l'incrédulité est le tournant mental que doit faire chacun des lecteurs avant de se plonger dans un récit ou un scénario. On ne demande pas grand chose à l'auteur qu'un univers crédible. Et en échange, on se laisse duper - disons de façon plus poétique - on se laisse emporter...
Il faut qu'un auteur nous emporte. Nous avons tous besoin de nous évader.
On est prêt à tout croire, à tout lire... Si tout est cohérent.
Mais aujourd'hui, cette suspension de l'incrédulité est mise à mal par certaines facilités d'écriture qui nous sortent du récit car ces facilités, ces flemmes, ces Deus Ex Machina sont de plus en plus prises pour ce qu'elles sont... des facilités.
à suivre...