myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
01/03/2020
quelle histoire raconter ?
Qui sommes-nous ? Qu'est-ce que notre attitude, notre comportement, nos paroles, racontent de nous ?
J'avoue vouloir lancer une sorte de débat interne entre moi et moi mais je me rends bien compte que ce n'est pas forcément intéressant. Donc je vais essayer de partir sur autre chose.
Qu'il est facile de dire aimer Koh Lanta pour l'histoire que l'émission nous offre. Qu'il est facile de demander aux gens de chercher l'histoire.
Donc derrière chaque personne, il y a une histoire. Une histoire qui se raconte ou qui s'écoute...
Je pestais il y a quelque temps sur l'instantanéité de nos relations pour cette raison. Personne n'a le temps de conter une histoire en un instant et les complexités des personnages (de nous) ne se découvrent qu'avec assez de temps.
A partir de là, nous devenons nos propres légendes. Légendes vient de Legenda qui veut dire "qui doit être lue". Extrapolons en disant qu'une légende doit être entendue, vue. Et nous racontons nous-mêmes notre propre légende.
Notre histoire donc est transmise à d'autres (collègues, amis, familles) et s'embellit avec le temps.
Elle s'embellit pour deux raisons principales. La première c'est que nos souvenirs deviennent de plus en plus flous et donc de plus en plus beaux avec le temps.
La deuxième c'est que lorsque nous racontons notre histoire, elle évolue en fonction de son public pour devenir auprès des autres : mythologique.
La mythologie, fut un temps, nous a construit. Un peu comme les fables de La Fontaine, les histoires de Zeus et de ses infidélités nous ont appris des mots (narcisses et écho par exemple), nous ont donné des conseils (ne jamais s'approcher trop proche du soleil), nous ont définis...
Et j'imagine que Thor et autres dans le Nord ont eu le même effet d'apprentissage sur nos amis nordique.
Il en est de même pour nous. Notre histoire prend un sens lorsqu'elle est racontée année après année.
Dans tous les cas, il vient un moment où notre personnage n'est formé que par les dizaines (centaines) de légendes qui nous caractérisent.
Ce qui vient à me poser une question : si nous sommes la somme de nos expériences passés (et ce depuis notre plus tendre enfance où tout n'est qu'apprentissage) quand est-ce que nous devenons le personnage (le héros même) de notre propre légende ?
Je m'explique.
Nos légendes, nos récits passés qui doivent être "lus" ont un impact sur nous. Quand nous racontons notre histoire nous hésitons, nous embellissons, nous tournons les phrases pour que notre récit colle au mieux à celui ou celle qui est en face.
Nous jouons avec nos souvenirs quand ce ne sont pas eux qui se jouent de nous.
Les détails ne sont plus important, seul compte ce qui doit être lu, seul compte ce qui doit être raconté : la légende.
Et parfois, on rajoute à ça, la légende racontée par d'autres. Il est parfois plus facile d'écouter parler de soi, du groupe, lorsque quelqu'un d'autre anime cette légende. Ainsi, le problème est triple : il ne se souvient pas de la même chose, il choisit ce qu'il lui semble important, s'il y a deux versions, celle qui est le mieux racontée devient la vérité et donc la légende.
Ce n'est pas une critique, juste une analyse objective : nous finissons par être le personnage des histoires que l'on raconte sur nous.
Donc, j'en reviens à ma question : à partir de quand cela arrive ?
A partir de quand cessons-nous d'être ce que nous croyons pour être la légende ?
Et la réponse va vous surprendre !
A un moment donné, nous agissons aussi comme agirait notre légende : si la légende nous caricature, nous devenons, de fait, une sorte de caricature. Et notre histoire est faussée.
Alors notre histoire n'est pas forcément faussée, bien entendu, puisque les légendes nous ressemblent, mais nous nous comportons dans nos groupes sociaux comme notre groupe attend que nous nous comportions.
plusieurs légendes donc ?
Et là ça devient important. Nous ne racontons pas toujours la même histoire en fonction que nous soyons en famille, entre amis ou entre collègues. Nous ne racontons pas la même histoire donc nous ne sommes pas la même légende.
Alors oui, nous sommes toujours le même ou la même. Il ne faut pas confondre l'histoire que l'on raconte de soi et le soi. Mais nous mettons en avant différents éléments de notre histoire qui font que nous sommes au moins légèrement plus adapté au groupe en question ou dans le pire des cas une personne complètement différente dans les cercles sociaux différents.
C'est ça l'histoire que l'on se raconte, c'est ça qu'il faut chercher.
Derrière chaque humain il y a une histoire. Derrière chaque histoire il y a une façon de la raconter. Derrière chaque façon de la raconter, il y a un humain qui se cache avec ses forces, ses faiblesses, ses angoisses, ses défauts, ses réussites et ses qualités...
Derrière chaque histoire, il y a peut-être des milliers d'histoires.
Et ce n'est pas parce que Joseph Campbell a théorisé que nous raconté une seule et même histoire depuis la nuit des temps qu'elle n'en a pas moins de plusieurs milliers de sens en fonction de qui la raconte.
Ce qui me ramène donc à ma question : qui somme nous ? Et par cette question, je me pose la seule qui vaille : qui suis-je ? Parce que, ne nous mentons pas, je ne cherche pas forcément à savoir qui vous êtes mais plutôt qui je suis. Et je comprends bien que la réponse va différer en fonction de ce que vous verrez de moi.
On en vient au principal problème de cette réflexion : est-ce vraiment vous qui me définissez moi ? Est-ce vraiment les autres qui nous définissent ?
Facile : oui.
Encore plus facile : oui mais...
Si vous ne savez de moi que ce que je veux bien raconter, que je le raconte avec des souvenirs qui sont de plus en plus flous et de plus en plus beaux et qu'en plus je ne suis moi-même qu'un masque (souvenez vous l'article cogito écrit en 2006) alors vous me définissez sur du vent quoi (et je ne rajoute pas le fait que vous me jugez probablement à l'instant, dans l'instant).
Nous nous comportons donc comme des acteurs de nos propres légendes.
Pour illustrer ce propos, je vais piocher, une fois n'est pas coutume dans le répertoire de série ou de films que je connais.
Dans Kaamelott par exemple (oui c'est toujours le premier qui me vient). On dit un jour à Arthur que si Perceval est aussi con c'est parce qu'il pense que Arthur ne l'aime que parce qu'il est con. Et donc il ne veut pas le décevoir en faisant quelque chose de bien. Arthur, conscient qu'il traite un peu ce chevalier comme de la merde, décide un jour, alors que Perceval lui rapporte une fois de plus un échec de le féliciter et lui dit que malgré tout, il est fier de lui.
Perceval tombe dans les pommes surpris. L'épisode se finit par Arthur qui le réveille à coup de claque en disant "c'est bon, vous êtes un gros nul".
L'histoire pourrait s'arrêter là. Mais ensuite, Arthur organise de plus en plus de repas avec Perceval, des repas intimistes qui d'après ses dires le mettent dans un état de nerf pas possible mais qui ont pour but de faire progresser ce chevalier à la destinée certaines...
Bel exemple pour démontrer ce que j'essaie d'écrire depuis tout à l'heure. Dans cet exemple donc Perceval se comporte comme Arthur (son roi) lui "demande" de se comporter. C'est à dire en chevalier naze. Et il ne progresse tout au long de la série que grace à ce regard bienveillant que lui porte Arthur (et Alexandre Astier si on veut revenir un peu à du méta).
En un sens, nous le faisons tous quelque part. Nous nous adaptons à la personne en face pour devenir ce que nous sommes.
Et on remarque bien que Kaamelott est une fable sociale plus qu'une quête épique et que c'est, pour moi, le plus intéressant dans cette histoire, les interactions entre les différents personnages et leurs légendes respectives.
Dans tous les cas, ça sert bien mon propos.
Donc, qui suis-je ?
Je ne peux pas répondre. Je m'adapte à ce que vous avez fait de moi ? Si vous me lisez je suis écrivain/blogueur, si vous me connaissez au travail, je suis manager, sinon je suis papa et fils aussi. Avec tout ce que ça comporte.
Je suis joueur, manipulateur, peut-être certains vous le diront en tout cas. Je sais parler en public, mais je me considère comme timide.
J'ai été très sensible étant petit (monsieur Ouin-ouin on m'appelait ça veut tout dire). Je suis geek (par définition, on m'appelle quand les ordinateurs sont en panne ou qu'il faut les installer).
Je suis cultivé. En tout cas j'ai beaucoup lu.
Mais ça ne me définit plus. Je suis qui ?
épilogue, épicéa
Nous sommes tous des arbres, disait-il, à chaque branche de nouveaux choix, à chaque choix de nouvelles branches. Imperturbable au temps qui passe, l’arbre est fier et droit. Les racines s’enfonce plus profondément dans la terre, c’est notre passé qui reste enfoui, caché… On ignore tous notre véritable passé… Nous sommes tous des arbres.
écrivais-je dans Tom (mon premier "livre")
Aujourd'hui, je sais que définir quelqu'un est compliqué. Que se définir soi-même l'est encore plus. Et de plus en plus, nous prenons nos marques dans un monde très télévisé, très cinéma...
Nous devenons les caricatures, nous nous approprions les personnages, par exemple, quand Very Bad Trip est sorti, on m'a catalogué comme le Phil (l'aspect Beau Gosse en moins) mais avec cette attitude.
Et c'est ça que nous sommes : les personnages de nos vies. Et si nous avons besoin d'idole pour exister, tant pis, c'est pas grave. Prenons des exemples, de toutes façons nous sommes tous un archétype !
C'est horrible de se définir, c'est impossible même. Nous ne pouvons pas dire ce que nous sommes ni être ce que nous devons être. Notre seule possibilité c'est de nous rapprocher de nos légendes et de nous comparer. Et de devenir enfin nous mêmes. Même si "nous" sommes d'autres. Nous ne savons pas qui nous sommes. C'est impossible. Il y a trop d'éléments qui nous définissent. Donc merde, restons nos légendes
Ce sera tout pour aujourd'hui. La semaine prochaine, je parlerai de nouveau d'histoire.
Mais quoi de plus intéressant finalement que de se raconter la notre...
Bonne semaine et...
Soyez ce que vous voulez être.
addendum...
03/03/2020
ça arrive bien souvent n'est-ce pas ? on pense toujours à des choses à dire après le débat, après le dialogue, le clash, l'oral. en vrai je voulais en rajouter. mais ça m'est venu après et comme je ne pense pas faire tout un article sur ça...
De tout temps, l'Homme a cherché des modèles. C'est à ça que servent donc les mythes. Ils nous inspirent et c'est ça le boulot de ces bardes que j'ai déjà plusieurs fois encensé dans ces quelques pages.
Aujourd'hui, nous sommes à la recherche d'exemples à suivre. Nous voulons devenir quelque chose d'autres.
Et si les superhéros nous semblent de plus en plus inatteignables tant ils semblent parfaits au vu de notre mesquinerie habituelle, nous ne rapprochons d'autres mythes.
C'est peut-être la raison pour laquelle, Batman reste le plus proche de nous (aucun super-pouvoir) et pourquoi la trilogie de Nolan (The Dark Knight) a été si adulé tant par les critiques que par le public. Parce qu'elle nous montrait un héros plein de doute. Et cette direction qu'a choisi de suivre Snyder avec un Superman plus sombre et donc plus proche de nous et donc plus identifiable.
Dans Man of Steel, Superman se venge en pilonnant un camion avec un tas de tronc d'arbre. C'est mesquin, c'est petit, c'est loin d'être superman. Tellement loin. Mais c'est proche de ce que nous sommes.
Ce qui me fait dire qu'on a les héros qu'on méritent et ils ne sont plus sombres que parce que nous avons bien compris que nous ne serions jamais à la hauteur des Kent.
Nous suivons les héros (ou les personnages) que nous voulons suivre. Si tant est qu'ils soient charismatiques, nous nous identifions à eux : Barney Stinston, Phil, Monica Geller.
Nous sommes à la hauteur de nos nouveaux mythes...
Nous en avons besoin, nous sommes toujours obligés de nous identifier, de nous catégoriser, de nous rapprocher de nos modèles. Et si le cinéma se met de plus en plus à notre niveau, il ne peut donc plus produire les mythologies que nous écoutions autrefois.
Ma conclusion reste la même, si vous prenez exemple, prenez exemple sur des gens bons, sur des héros au-dessus de la mêlée ou sur des gens qui portent des valeurs importantes.
Vous croyez que mon personnage préféré dans Kaamelott c'est Perceval ? Arthur ? Non... C'est le Duc d'Aquitaine ! Déjà parce que c'est Chabat qui le joue et que je trouve cet homme merveilleux. Mais ensuite parce que c'est un gars profondément gentil. Mais pas gentil stupide, juste, c'est le seul type qui place la bonté au-dessus de tout...
Certains diront qu'il est inadapté à la société, que le prendre pour exemple c'est stupide. C'est probablement le cas. Mais je considère que comme exemple, il est parfait. La bonté avant tout et si tout le monde était comme lui le monde serait meilleur.
On a les héros qu'on mérite. Alors choississez bien !
Ce sera tout pour cette fois.
à dimanche !
à suivre...