myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
22/03/2020
l'idée !
Une idée ne suffit pas. C'est un bon début, certes, mais une simple idée ne suffit pas. Il y a un tas de bonnes idées, mais parfois celles-ci ne devraient rester que des idées.
Par exemple, prenez l'Etrange histoire de Benjamin Button. Basé sur une nouvelle de 79 pages (écrit gros) l'adaptation cinématographique dure près de 3h.
3
putain
de
longues
heures
Je critiquais plus tôt les longs monologues qui ne servaient que de remplissage aux séries américaines avant une épisode final qui finalement allait trop vite. C'est pareil.
Je vais spoiler l'histoire puisque c'est un film connu et que de toutes façons je ne compte plus jamais le revoir.
Benjamin Button nait avec l'apparence d'un vieillard. Atteint d'une maladie étrange, comme l'indique le titre, il passera tout le film à rajeunir. Et doucement, il rajeunit.
Bon, ce film a gagné les oscars du maquillage et des meilleurs effets visuels et il faut dire que, même si je les trouve légèrement datés aujourd'hui, ils en jetaient pas mal à l'époque.
Benjamin Button devenant plus jeune, il rencontre une jeune fille qu'il va commencer à draguer. Mais du début, bah ça semble malsain même s'il est jeune, il fait 50 ans et elle n'a qu'une vingtaine d'année. Donc il lui met un stop et par à la guerre (non en vrai, c'est beaucoup plus long, il part sur un remorqueur qui percute un sous-marin germanique pendant Pearl Harbor blablabla, c'est long). Quand il revient, c'est elle qui lui met un stop. Parce que j'ai mal à la jambe (copyright House MD).
Puis finalement ils sortent ensemble quand elle a 30-40 et lui parait 25-35 donc ça colle. Ils font fi des quand-dira-t-on... Elle tombe enceinte et finalement, ils vont être parent. Mais lui, en bon père qui se respecte dit que sa femme ne pourra pas élever deux enfants donc il se barre.
Mais elle le retrouve plus tard, très jeune, alors qu'elle est remariée et dit que de toute façon elle ne l'aurait pas supporter. Donc il se casse. Elle devient veuve, sa fille va vivre de son coté et elle retrouve Benjamin Button qui a l'apparence d'un gamin de 12 ans mais qui présent les démences d'un vieillard. Et finalement elle s'en occupe et il meurt bébé.
Juste parce que ça me permet d'en parler. Je sais pas si c'est moi où si ça fait ça à tout le monde mais je ne supporte plus du tout la mort d'un enfant, un enfant en danger, un enfant blessé, un enfant perdu depuis que je suis papa.
ça me fait bader à fond alors qu'avant je m'en foutais. Je sais pas si je fais un transfert ou quoi mais à chaque fois dans ces films où il arrive quelque chose au gamin, ça me fend le coeur. Presque littéralement.
Autre aparté et je reviens au sujet principal : littéralement.
Littéralement par définition c'est ce qui arrive à la lettre. Si j'avais écris ça me fend littéralement le coeur, cela aurait voulu dire que effectivement le film me fendrait le coeur. Donc que je mourrai car le film me découperait le coeur.
Tout est donc dans la litote "presque" littéralement puisque qu'en vrai on est loin du presque. En gros, sous vos yeux ébahis, je viens de faire une joli figure de style qui exprime à quel point je suis en bad devant de la souffrance enfantine et ce même dans les films. Bref.
Littéralement c'est donc trop littéral. Et pourtant, dans le langage courant, il devient de moins en moins littéral justement. Les gens disent "je suis littéralement morte" au lieu de dire "je suis vraiment fatiguée"... Et ça... ça coince, parce que personne ne peut dire qu'elle est littéralement morte. Parce que les morts ne parlent pas. Enfin si, parfois ils parlent mais c'est plus des sons comme "Aaaaaaarrrgh" dans les film de zombis. Seuls les zombis pourraient dire qu'ils sont littéralement mort. Bien qu'on puisse encore débattre sur le terme "morts-vivants" et donc pas tout à fait littéralement mort...
Là donc littéralement devient un synonyme de vraiment, d'absolument et c'est pas terrible car tous les mots ont un sens et si on connaissait réellement le sens des mots il y aurait déjà moins de débat.
Bref...
Si bien, que écoutez c'est ça le pire, dans certains dictionnaire anglais "litteraly" veut aussi dire "virtually" ou "figurativelly" l'usage de ce mot l'a privé de son sens premier... Alors quand on me dit, il faut faire évoluer la langue, bah je me pose des questions. Et si nos expressions usuelles prenaient le pas sur le sens des mots ?
Faire évoluer le français, l'anglais ou n'importe quel langue pourquoi pas, mais lorsqu'on commence à perdre des mots au profit de la simplification. Quand on oublie toutes les nuances que peuvent avoir différents mots, on perd un peu de liberté.
Si vous avez lu 1984 vous savez de quoi je parle. Cette novalngue (traduit aujourd'hui par "néoparler"). Une dictature a besoin de tuer les nuances pour n'avoir que du blanc ou du noir.
Si vous n'avez pas lu 1984 lisez le, et certains discours de Macron (ou d'autre ne faisons pas de politique ici) prennent tout leur sens.
étrange histoire donc...
Pour en revenir à Benjamin Button, je ne comprenais donc pas, lorsque j'ai vu le film pour la première fois, pourquoi tout le monde s'extasiait alors qu'il ne me faisait rien. Et je suis tombé sur la nouvelle de Francis Scott Fitzgerald. Courte donc avec un Benjamin Button qui se fait draguer par une femme qui aime les hommes murs avant de se faire larguer parce qu'elle ne supporte pas de vieillir (ah les femmes) alors que lui commence à être dans la fleur de l'age et nique tout ce qui bouge (ah les hommes).
Il finit par aller à l'université où il est super doué (bah oui, moi aussi j'aimerais bien avoir mon esprit d'aujourd'hui dans mon corps de lycéen, même si j'étais moche).
Et il finit par mourir jeune.
La nouvelle semble avoir été écrite sur la même idée "t'imagine un mec nait vieux et rajeunit avec le temps". Elle pose deux trois situations cocasses, ironiques... Et fin.
Et le film tend et tend et tend encore l'élastique...
Finalement, le film est trop long, le coup du "je t'aime - moi non plus" rallonge et tue une intrigue. Et ça traine en longueur encore et encore tandis que Brad Pitt et Cate Blanchett finisse par ne plus avoir d'expression pour ne pas craqueler l'épaisse couche de maquillage qu'ils ont sur le visage...
L'étrange histoire de Benjamin Button est l'exemple même d'une bonne idée transformée en mauvaise histoire. D'où ma première question : est-ce que toutes les bonnes idées peuvent devenir de bonnes histoires.
Certains ont réussi à ne pas choisir, les nanofictions (j'en ai déjà parlé par ici) sont un bon moyen d'avoir une idée sans la décrire. Philip K. Dick a écrit beaucoup de nouvelles sur une idée, un coup de tête avant d'en transformer certaines en roman comme Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (ou Blade Runner a été une nouvelle avant d'être ce roman si célèbre.
D'ailleurs en parlant de Philip K Dick, je vous conseille tout ce qu'il a écrit et tout ce qui tourne autour de son oeuvre comme Electric Dreams: The World of Philip K. Dick une très bonne série sur Amazon Prime, mais surtout et toujours sur cette plateforme Le maitre du Haut Chateau. Je n'ai pas encore vu la dernière saison, mais je suis assez emballé par ce qu'ils ont fait du matériau d'origine.
Pour moi on tient là une très très bonne adaptation qui sait s'éloigner de l'oeuvre originale tout en lui étant très fidèle.
Certaines situations ne sont pas spécialement originales, mais sur la simple idée que les Nazis ont gagné la guerre, les auteurs arrivent à partir assez loin et assez bien.
Pour rappel, dans cette dystopie - stopie - les Nazis et les Japonnais ont gagné la guerre et se partage l'Amérique : à l'ouest les japonnais et à l'est les allemands...
Mais tout l'équilibre peut basculer lorsque des films (des livres et des tracts dans le roman de base) racontent une toute autre histoire : les alliés ont gagné la guerre !
Donc Benjamin Button souffre d'une bonne idée de base qui se transforme en purge de 3h.
Et je n'ai rien contre les longs films, Star Wars IX aurait mérité une demi-heure de plus facile, ou mieux un meilleur VIII.
En disant ça je me rends compte que : "Star Wars VIII is the new I-II-III"
Non le I est pire. Vraiment. Et de loin.
y a de l'idée...
Dans un de mes précédents articles, je parle d'écriture, tout le temps. Et je pars dans des divagations qui ne sont parfois pas productives. Mais au fur et à mesure de mes écrits, je me rends compte. Une seule idée, même la meilleure qui soit n'est rien sans une histoire ou sans une intention créatrice derrière.
Il faut savoir prendre son temps, savoir laissé murir son idée. Je pense qu'il y avait mieux à écrire qu'un roman à l'eau de rose à travers ce vieil homme qui rajeunit. Je pense qu'il y avait mieux à faire que juste cette hésitation entre deux personnes qui s'aiment "mais qui n'ont pas le droit de s'aimer".
L'idée était géniale.
Mais derrière l'idée il faut quelque chose de plus solide.
En ce moment, j'écris un truc qui murit depuis presque 10 ans (en fait peut-être même plus). Je ne sais pas si mon idée est bonne mais je sais que je tiens quelque chose. Je ne sais pas si mon idée est très originale, je manque quand même cruellement de culture parfois. Je ne sais pas si j'irai au bout (bon en ce moment, je le sens pas trop mal) mais mon idée a murit pendant 10 ans, mes personnages ont muri pendant 10 ans et ma façon d'écrire a, elle aussi, évolué depuis 10 ans.
Si bien que j'ai réécrit récemment toutes les nouvelles que j'avais lancé ces dernières années tant je voulais qu'elles ressemblent à ce que je suis aujourd'hui.
Tant qu'elles ne sont pas sorties, pas lu par d'autres, elles m'appartiennent alors j'ai le droit, c'est tout.
Les meilleures idées méritent du temps.
Si vous avez une bonne idée, pour moi, vous avez 2 choix. L'écrire rapidement et vous appartiendrez aux instantanés vous lancerez l'idée comme une nanofiction ou comme une blague sur twitter. Ou la laissez murir un peu et vous appartiendrez à à ceux qui se posent...
Bon, peut-être que 10 ans c'est trop long, mais faut savoir que j'ai une activité salariée à coté. Et comme je l'ai déjà dit, je n'ai rien contre ces nanofictions, je trouve parfois qu'elles manquent quelque chose car des idées mériteraient plus que juste 180 caractères parfois non.
L'écriture est propre à chacune des personnes qui la pratiquent.
C'est un moyen de transmettre une idée plus ou moins rapidement et avec plus ou moins de style.
Les écrits vont de la nanofiction, la pub jusqu'aux grandes sagas (je vous recommande le cycle de Pendragon de Stephen R. Lawhead et La Roue du Temps de Robert Jordan et Brandon Sanderson dont on reparlera très prochainement) en passant par les nouvelles (courtes), les romans (long), les films (mi-long), le série (ça dépend mais c'est plus long qu'un film).
L'écriture est une question d'échelle et, Benjamin Button, n'aurait peut-être du être qu'un épisode d'une série comme Black Miror. C'était LARGEMENT suffisant...
épilogue, épicline.
Prenez Forrest Gump, au hasard - oui comme ça sorti de nulle part - Forrest Gump a eu une vie au moins aussi intéressante si ce n'est plus que Benjamin Button. Il a vécu très longtemps, a fait du sport (COURS !! FORREST COURS !!), la guerre, du ping pong, de la pêche, s'est fait jeter par sa meuf toxico, a traverser l'Amérique en courant et a investi dans Macintosh.
Je ne dis pas qu'on peut comparer les films mais on parle bien d'un type différent qui fait tout pour que s'intégrer. Bon c'est un peu un con, on lui dit cours il court, on lui dit viens à l'armée, il va à l'armée, on lui dit pêche des crevettes, il pêche des crevettes. Mais il n'en demeure pas moins qu'il s'intègre parfaite dans l'Amérique de Reagan et compagnie.
Ce que je veux dire par là c'est que chaque auteur peut mettre ce qu'il veut dans son idée de base. Il a le droit de changer en cours de route s'il est dans un processus d'écriture plus long.
Il doit se laisser porter par l'intrigue et ses personnages qui grandissent en même temps que lui. Je n'ai rien contre mes pairs (d'ailleurs, ceux-ci ne me considèrent pas encore comme des leurs et c'est bien normal) mais une idée baclée ça se voit, ça traine, ça tourne en rond.
Les personnages des auteurs à succès de notre époque se ressemblent tous. Peut-être parce qu'ils sont adepte de Joseph Campbell, mais peut-être aussi parce que leurs personnages ne sortent pas de leur archétype.
On n'a plus le temps de prendre son temps. Et pourtant, une idée se doit de germer pour devenir une jolie fleur.
Un conseil à tous ceux qui se lancent dans l'écriture ? Qui voulez-vous devenir ? Un adepte des instants ou un écrivain qui ne finira peut-être jamais lui-même son oeuvre ? J'ai choisi. Je choisis le temps. Et je choisis de mourir en laissant une oeuvre inachevée que d'autres (si elle est assez bonne - je l'espère - auront la tache de terminé et d'agrémenter de nouvelles idées. Peut-être que c'est ça finalement l'écriture, un art collectif même lorsqu'on est seul devant son écran.
Trop seul par moment.
Espérant que les mots que l'on pose avec plus ou moins de délicatesse trouveront un oeil ou deux et traverserons une âme. Littéralement.
Bonne semaine !
addendum...
PS : je n'ai pas parlé de confinement quand tout le monde en parle (je ne me suis pas abonné au Monde pour lire Leïla Slimani dire que le confinement c'est comme dans la belle au bois dormant, lisez plutôt Diane Ducret dans Marianne)
C'est pour un simple raison.
1. Je le vie assez mal car je me retrouve un peu dans la place du mec en télétravail (chez lui donc) alors que mes collègues sont "au front" pour reprendre le champ lexical de la guerre voulu par Macron à essayer de faire tourner des magasins avec des clients toujours aussi peu reconnaissant.
J'essaie de les aider de les aiguiller au loin en essayant de faire prendre à mes patrons (donc les leur aussi) des décisions au plus près du terrain, en vain. Je reste un planqué qui écrit des process et qui ne vient plus accompagné les magasins.
2. Je voulais faire quelque chose, mettre toutes les nouvelles que j'ai écrites en ligne pour les donner à tous ceux qui voudraient lire, gratuitement.
C'est donc ce que j'ai essayé de faire. Au risque de me voir piller mes nouvelles, je vous propose dès aujourd'hui une nouvelle rubrique sur ce site : MES NOUVELLES
ça fait un moment que je pense à les faire lire à un plus grand nombre. J'ai déjà été bien encouragé en petit comité...
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Il n'y en a qu'une pour le moment, mais j'en ajouterai d'autres !
Bref le confinement est la solution pour venir à bout du virus, mais je pense à tous ceux qui ne peuvent pas et à qui finalement, je ne sers pas.
Je suis au téléphone à dire à des chefs de caisse "ça va aller"...
Restez chez vous.
Applaudissez aussi celles et ceux qui travaillent dans la distribution.
Prenez soin de vous.
à la semaine prochaine !
à suivre...