myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
30/09/2020
comment on raconte une bonne histoire ?
Après tout on peut se poser la question. Si tout le monde copie le modèle de Joseph Campbell pour écrire un récit - il faut dire que ce modèle est un amalgame de mythes déjà écrits - eux-mêmes basés sur des récits oraux qu'on se transmettait de générations en générations - il n'en reste pas moins que certains des récits monomythiques sont plus surprenants que d'autres...
Campbell ne fait qu'agréger un tas de modèles qu'il synthétise ainsi : il se passe un truc, le héros bouge.
C'est parce qu'on a été abreuvés de récits formatés qu'on arrive aujourd'hui à en raconter voire même à sortir du cadre !
Mais faire de l'anti-Campbell nécessite quand même de connaitre les ressorts mythologiques desquels il a tiré son trop utilisé format de la journée du héros.
Nous avons tous des récits fondateurs qui nous ont transportés et qui ont fait naitre les formes et les légendes de notre temps.
Et il faut aussi savoir les oublier, les casser, les retourner ou, au contraire, les répéter avec passion pour faire d'une histoire une légende un mythe monolithique ou tentaculaire...
Voilà ce que je comprends aujourd'hui de Campbell.
Voilà ce que je comprends des histoires en général desquelles nous nous sommes largement inspirés. Beowulf, Arthur, Ulysse ou Sun Wukong sont les pères - oui, à l'époque il y avait peu d'héroïne, heureusement que Netflix est là - je me rends compte que vous ne saurez jamais si ce commentaire était ironique - de nos récits modernes.
Mais tout ça ne répond pas à ma question première : comment raconte-t-on une bonne histoire ?
et la lumière fut...
Je ne sais pas pourquoi, mais la création d'un monde original est un préalable au récit.
Quelque soit le récit il se passe toujours dans un autre monde que le notre. ça ne vous rappelle rien ? La diégèse c'est l'ensemble du monde qui suit nos héros.
Le monde peut être aussi proche de nous que possible mais n'empêche si on peut imaginer que la Guerre de Troie a bien eu lieu comme elle est décrite dans l'illiade, Ulysse n'a probablement pas rencontré Cyclopes et Sireines sur le chemin du retour (ce serait plutôt pichets de bière et prostitués du vainqueur).
Dix ans pour revenir ?
Je sais bien que la mère méditerrannée est dure à traverser mais franchement, il aurait pu trouver une autre excuse.
La diégèse donc nous éloigne forcément de nous et a pour mission de capter notre imaginaire balbutiant.
Ensuite, un monde ne suffit pas.
Et la plupart du temps, pour raconter une bonne histoire, notre monde suffit. Le même que nous a un détail près : toutes ressemblances avec des personnes existantes ou ayant existées... Parce que même dans le plus réaliste des films, les personnages restent des personnages, le monde n'est pas exactement le même.
D'ailleurs.
Quels seront les films et les livres post-covid ?
Parlera-t-on de ce virus qui a enfermé la moitié de la planète ? Verra-t-on des films où les personnages principaux portent des masques ? Ou doit-on oublier et regarder Contagion ce film de SF qui nous avait prévenu de ne pas manger de cochon qui mange au-dessous de chauve-souris.
Dès lors chaque film ne le mentionnant pas est forcément loin de la réalité ?
Et les films mentionnant le virus portera un jugement, une critique. Il abordera un angle qui le rendra moins réel.
Dès lors que le réalisateur a un angle, même un documentaire a sa propre diégèse.
Exercice poussé à l'excès dans les fameux documenteurs (mockumentary en V.O) que sont The Office et Parks and Recreation.
Chaque documentaire choisit ou non de faire un tri, d'anthropomorphiser, de capter les gens sous un certain angle.
Alors ça reste plus réel que les autres films, mais le documentaire est parfois aussi scénarisé (monté) que les grands films hollywoodiens. Et c'est normal, c'est d'un bon angle qu'on reconnait un bon documentaire, un documentaire qui fait réfléchir ou infléchir...
Donc ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : regardez des documentaires.
Le dernier que j'ai vu s'appelle Blackfish, ce qui est curieux puisqu'il parle d'un mamifère marin bien célèbre : l'orque.
Malheureusement, l'angle choisit c'est plutôt du sensiationalisme : les accidents dans les parcs aquatiques plutôt que la détresse des orques.
Alors le propos est le même, il faut sauver Willy, mais en parlant des accidents mortels de dresseurs suite à un coup de folie des orques, et sans parler des reconversions qui existent dans les pays nordiques. Je ne peux m'empêcher de penser que les gens ayant vu ces documentaires essaieront de trouvé les images des accidents qui ont couté la vie à de trop nombreux dresseurs.
Le film reste glaçant et je me suis senti aussitôt coupable d'avoir autant apprécié le spectacle quand j'étais plus jeune au Seaquarium de Miami
Comme quoi l'effet du documentaire a été bénéfique à mes yeux...
un angle !
Donc, revenons un peu plus tôt à ma question première :
Qu'est-ce qui fait qu'on raconte une bonne histoire ?
On peut raconter encore et toujours la même histoire tant qu'on a un angle nouveau pour la raconter :
- un twist.
- une nouvelle technique pour la raconter.
- des personnages qui s'échappent de leur rôle.
- et d'autres approches pour tordre la diégèse et ses interractions.
En un sens, les histoires sont faites pour être entendues et contées encore et encore pour que notre imaginaire s'élèvent et s'envolent.
Alors il faut en faire quelque chose d'assez unique pour mériter de s'y attarder.
Parce que ce sont les histoires qui nous forgent.
Mais après tout ce que je vous dit, vous allez forcément me demander, dans ce cas, si tu acceptes que les histoires soient racontées et répétées, pourquoi ne supportes-tu pas la démarche de James Cameron dans son Avatar.
Pour la simple et bonne raison - enfin bonne vous me direz - que le pendant de cette démarche de répété des histoires c'est de l'assumer, là l'histoire d'un conquérant qui se mets du coté de ceux qu'il a conquis.
Et ne pas expliquer qu'on en fait quelque chose d'exceptionnel.
Ce qu'en son temps George Lucas avait fait : ok, niveau histoire c'est rien qu'une princesse à sauver, mais en vrai ça pourrait donner quelque chose de bien plus vaste.
Je ne sais pas si il l'a dit comme ça, mais dans Avatar ce qui m'a ennuyé c'est le vide après la technique.
J'avais déjà parlé de avatar par ici quand j'exposais l'idée de High Concept Movie, donc on va pas s'attarder plus.
Oui parce que toutes ces technologies nouvelles doivent être au service d'une histoire. L'histoire ne doit pas être un gadget supplémentaire !
la rebelle
Il faut se mettre au service de l'histoire.
Prendre la quête du graal et la recherche d'un princesse, tordre ou non les concepts, mais toujours se mettre au service de l'histoire.
En parlant de conte, profitez-en pour essayer d'écrire un conte, j'ai mis les aides qu'on m'a apporté pour les premiers que j'ai écrit.
Les bardes de ce monde ont le droit de tordre toutes les histoires, de relire et de réécrire tout ce qu'il faut.
A ceux qui leur reprocherons, on pourra toujours dire "oui bah ne regarde ailleurs".
Le monde d'Arthur est assez vaste (et légendaire) pour y faire tenir n'importe quelle adaptation.
Et encore imaginez un peu lorsque les histoires étaient racontées sans être écrites ou chantées par des bardes !
Donc l'histoire de Cursed - une nouvelle Série Netflix tirée d'un livre de Franck "Sin City" Miller et Thomas Wheeler est assez intéressante.
On a le droit de tordre le mythe du roi Arthur et y a plein de gens qui font ça bien.
L'univers du Roi de Camelot (je mets pas Kaamelott mais le coeur y est) est si vaste que les relecture sont aisées.
Et en fait à la fin on aura toujours une épée, un lac et un rocher.
Et tout tourne autour de l'épée, de son pouvoir, de cette volonté de la récupérer.
Cursed décide donc de relire le mythe arthurien avec un Arthur voleur (et métisse), un Merlin alcoolique (et viking) et une héroïne druidique au-dessus de la mêlée !
(j'avais dit quand j'écrivais sur Last of us 2 - triste souvenir - que les scénaristes qui voulaient avoir des rôles de femmes fortes devaient, au moins dans un premier temps, faire de ces femmes des êtres exceptionnelles - ce qui n'est, pas le cas de Abby et Ellie -, car je pense qu'il est plus facile d'accepter de suivre des personnages exceptionnels, mais c'est mon avis et je me rends compte que cette parenthèse est bien trop longue et que les gens d'aujourd'hui aiment les caractères un peu plus torturés et cette mode m'emmerde.
Et bien dans Cursed c'est le cas, c'est une femme - enfin une sorte de nymphe qui deviendra plus tard la Dame du Lac - si j'ai bien compris - qu'on a envie de suivre, héroïque de bout en bout.
Bon après la série n'est pas exempte de défauts mais ce n'est pas une critique que je voulais faire juste faire remarqué que les femmes fortes au ciné, dans les livres ou dans les séries ne remettent pas en cause ma masculinité virile - et vous savez comme je suis viril - et au contraire m'envoutent et me font rentrer plus franchement dans l'histoire que cette bande de débiles de TLOU2...
Fin de la parenthèse).
Après l'argument marketing de Netflix est beaucoup moins fin puisque j'ai quand même un peu l'impression qu'ils ont axé toutes leurs pubs en mode : "hey regardez c'est une femme qui tient Excalibur !
dommage...
épilogue, épignathe
(ne cherchez pas ce que c'est sur google image c'est horrible - croyez moi la définition du wiktionnaire suffit pour celui là).
Ne mettez jamais un twist avant l'histoire, ne mettez jamais un concept avant l'histoire, ne mettez jamais une technique avant l'histoire.
Mais c'est bien l'histoire qui doit être placée en premier et voyez comment la rendre meilleure ensuite.
Trouvez un moyen de la raconter tel que vous le voulez et surtout, trouvez un angle.
Mais qui dit angle, dis biais et il est trop simple quand on s'écarte de la voie toute tracée de nos classiques de le faire pour de mauvaises raisons.
Qui dit biais dit aussi que vous pourrez toujours entendre deux versions d'une même histoire.
Et autant cela peut-être bénéfique, car il est toujours agréable d'entendre plusieurs histoires légèrement différente - tout comme je me suis surpris a aimé Cursed malgré ses défauts - ne serait-ce que la coupe d'Arthur, métisse d'accord mais avec la queue de cheval de Legitimus dans les Trois Frères, NON !
Autant dans la vie de tous les jours...
Qui dit plusieurs histoires dit plusieurs façons de raconter, d'écrire, de biaiser, de soustraire, d'inventer, d'imaginer.
Et donc, plusieurs façons de mentir.
Et mentir dans un conte est plus innocent que mentir dans la vie.
Nos vies sont autant d'histoires et soyons francs, nous nous mentons parfois à nous-mêmes.
Les histoires qu'on nous racontent sont sujets à l'interprétation que nous voulons en faire.
Ce à quoi j'aimerais vous répondre : imaginez alors qu'il y a toujours deux histoires. Il y a toujours deux façons de prendre les choses, de les comprendre, il y a toujours deux façons de raconter et d'entendre.
Si les multiples interprétations de Campbell ou ses multiples écarts peuvent nous apprendre quelques choses c'est qu'il y aura toujours autant d'histoires que de bardes qui les chantent ou de spectateurs qui les écoutent.
Et je trouve ça bien, en fait.
Portez-vous bien !
A la semaine prochaine !
à suivre...