myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

22/06/2020

influencé.

Les influences sont-elles aussi fortes ?
Je veux dire, par quoi sommes nous influencés ? Comment vivons nous nos vies ? Quel est la place de ces géants sur lesquels nous, pauvres nains, sommes nous assis ?
Quand on connait les mythes et les légendes, il est facile de trouver les influences des auteurs. Joseph Campbell l'a théorisé et s'il est très facile d'en sortir, il n'en reste pas moins un des nombreux exemples du déroulé d'une histoire.
A partir de quand s'arrête notre culture ?
Quels sont nos héros modernes ? Nos légendes urbaines ? Nos mythes d'aujourd'hui ?
Ce n'est pas parce que le monde est cartographié, théorisé, connu. Ce n'est pas parce que nous ne croyons plus en la magie qui nous entoure que nous ne sommes plus influencés par les plus grands récits de notre temps.

Derrière chaque histoire, il y a un murmure. L'envie d'aller chercher derrière les ombres une signification un peu plus immatérielle de nos vies.
Derrière chaque histoire, il y a quelque chose qui nous pousse à écrire, à raconter.
Et si ce quelque chose était une autre histoire ?

Nous avons le choix.
Nous avons toujours le choix.
Le choix de vivre quelque chose de plus grand que nous, le choix de faire quelque chose qui nous dépasse et si nous vivons en copiant nos héros qu'y a-t-il de mal à ça ?
Encore faut-il choisir les bons héros.

Le monde devient plus violent, je le disais la semaine dernière sommes nous influencés en ce sens ?
Nos actions découlent-elles d'autres éléments imperceptibles ? Sont-ce de sombres réactions qui nous poussent à être de plus en plus critique envers les autres et envers soi-même ?

Et si aujourd'hui on parlait de toutes les influences qui pèsent sur nos écrits et en plus général sur nos vies.

la somme de nos influences

Qui suis-je si ce n'est la somme de tout ce que j'ai été et de tout ce que je veux être.
Et ce que je veux être c'est le personnage principale de ma propre vie.

Premier postulat, les autres n'existent pas. Je sais que j'existe parce que je pense et comme je pense je suis. Pour ce qui est des autres autour de moi, je n'ai pas la certitude qu'ils pensent comme moi et encore moins qu'il pense.
Je n'ai qu'une certitude c'est qu'il y a quelque chose qui se passe dans ma tête. Et je sais aussi que je ne peux pas l'expliquer. Et je sais aussi que je suis unique puisque personne ne peut finir mes pensées à ma place.

Deuxième postulat, je suis mon expérience, je pense à travers mon passé. Mon passé rempli d'échecs, de réussites, de livres, de films et d'un bon millier de pubs toutes plus accrochées les unes que les autres dans une zone de mon cerveau.
Je me suis aussi construit en écoutant d'autres gens parler ou crier et je me suis fait une opinion sur le monde qui m'entoure.

Et ce qui aujourd'hui apparait c'est que le monde qui m'entoure est gris.

Troisième postulat, je suis la somme entière de ma culture. Je ne vois les choses qu'au travers de ce que l'on m'a enseigné que ce soit d'un point de vu littéraire, cinématographique ou scolaire.
Je suis quelqu'un qui voit au travers de personnages réels ou virtuels qui ont fait de moi une somme de chose que je ne maitrise que sommairement.

En sachant tout ça, je suis forcément influencé par tout ça.
Notre cerveau ne pouvant retenir qu'un nombre restreint de choses (pour tout le reste il y a wikipedia) je suis aussi les souvenirs que j'ai du monde...
Même mes émotions sont influencées en réalité par des souvenirs.

En conclusion, nous sommes des bêtes influençables et c'est tant mieux, car si certains s'en sont servi pour nous faire rentrer des slogan dans l'esprit d'autres, l'influence peut faire évoluer une histoire, une oeuvre et donc une vie.

Prenons un cas pratique : JRR Tolkien a écrit Le Seigneur des Anneaux - je ferai un autre article pour dire pourquoi le seigneur des anneaux c'est bien quand bien d'autres trucs sont nuls.

JRR Tolkien est devenu une référence, une influence et le but ultime aujourd'hui de tout écrivain de Fantasy est de SURTOUT NE PAS TROP LUI RESSEMBLER !
C'est une grande preuve de réussite de se dire que le mec est tellement puissant qu'il faut aller imaginer d'autres mondes, d'autres peuples, d'autres histoires en essayant au maximum de ne pas se laisser trop influencé par le maitre.
Il a inventé un univers si crédible, si documenté, si inédit (pour l'époque) qu'il a marqué des générations entières d'écrivains !

Et pourtant, JRR Tolkien a lui aussi été influencé. Forcément. Par des quêtes comme l'Odyssée de Homère mais aussi par Beowulf et d'autres mythes nordiques.

Influencé aussi par ses délires fiévreux dans les tranchées - on en parlait ici - Tolkien a donc fait la somme de son expérience militaire, de sa connaissance des langues et de ces quelques récits qu'il avait lu et étudié pour écrire sa terre du milieu (je ne parle plus que du Seigneur des Anneaux car il a en réalité inventé un véritable monde.

yolo c Tolkien l'influenceur, abonnez vous !

Et c'est parce que ce monde est si grand, si réaliste, si bien décrit qu'il est aujourd'hui impossible de passer à côté.
Certains diront qu'il est facile de passer le premier mais en vrai, qui d'autres inventa les orques, les elfes, les nains.
Des castes entières de personnages avec des talents, des forces qui ont influencé et influence encore depuis des années les jeux de rôles.

Difficile de ne pas profiter de ses écrits magiques et exotiques pour décrire un univers similaire. Difficile de ne pas parler de dragons, d'objets magiques. Difficile de faire autrement que de copier le maitre. Difficile.
Tolkien nous a appris à parler.
Sincèrement !
Littéralement !
Il nous a donné du vocabulaire, une grammaire, des caractéristiques communes à des personnages hauts en couleurs.
Pourriez-vous parler de géométrie sans Euclide ? C'est aussi con que ça. Nous sommes des nains sur les épaules de géants. Et pour la fantasy, le patron, le padré, le boss c'est Tolkien.
Alors je ne dis pas que les autres sont nazes, loin de là, mais l'influence de Tolkien est certaines. Que ce soit dans les mondes de Narnia, dans les mondes de Conan ou dans la Roue du Temps que je cite régulièrement par ici, l'influence est certaine.

Il est impossible d'éviter les similitudes. Il est impossible d'empêcher l'influence. Même Terry Pratchett qui s'est acharné à faire tout le contraire tout le temps pour notre plus grand plaisir : son monde n'existe que parce que c'est comme ça, les héros sont des anti-héros ou trop vieux. Pire encore, le monde est rattrapé par la modernité - une modernité toute relative - amenant tour à tour la poste, le clic-clac (un subtil mélange d'internet et de télégraphe me demandez pas comment ça marche) le foot, le cinéma et les banques dans ce monde heroic-fantasy

Tolkien a influencé dans sa façon d'avoir un ennemi caché dans l'ombre, une menace indicible qui pourrait prendre le plus grand héros et... à ce propos !

le débat avec Rawash

Quand on regarde les adaptations de Peter Jackson, on remarque de grosses différences.
Alors je ne vais pas parler ici de Tom Bombadil, grand absent mais de quelque chose de plus subtil que Peter Jackson a bien compris mais qui lui a fait faire un gros contresens par rapport à l'écrit.

Et je mets "débat avec Rawash" mais en y repensant, il a raison et j'ai donc perdu.
Mais peut-être a-t-il mieux compris le récit de Tolkien que moi.

Je vais prendre comme exemple quelque chose qui est symptomatique de la réécriture qu'a du faire Peter Jackson pour son film.
Je me fous par exemple qu'il est voulu faire revenir des elfes au gouffre de Helm alors qu'eux-mêmes voulaient laisser la terre du milieu aux hommes - bien que ce changement soit aussi important pour Rawash et je le laisserai expliquer pourquoi dans les commentaires - oups ! - je vais juste m'intéresser à Faramir.
Faramir est un personnage qui, quand il comprend que Frodon porte l'Anneau Unique, décide, dans le film (la précision est importante) de faire prisonnier le hobbit et de l'envoyer à son père qui préfère l'ainée Boromir.
Pour rappel, Boromir a été corrompu par l'Anneau avant de se rendre compte de ce qu'il avait fait, de se sentir coupable, de se battre à mort pour sauver son honneur et deux autres compagnons.
Dans le film donc, Faramir semble séduit à son tour alors que dans le livre : "Mais soyez tranquille, à présent ! Je ne prendrais pas cet objet s’il gisait au bord de la grand-route."
What !?
Genre l'anneau n'a aucune influence sur ce gars. Et c'est là le problème de Peter Jackson et la grande morale de JRR Tolkien.

C'est un truc de cinéma, si les personnages passent leur temps à dénigrer l'objet de leur quête ou même leurs propres actions, cela détruit la suspension de l'incrédulité du spectateur qui lui aussi, influencé (on en revient là) va trouver la quête con.
Alors par petite touche c'est méta, genre une petite référence à un deus ex machina par exemple, dans Dodgeball, c'est le nom du coffre d'argent qu'on remet au héros qui permet de... voyez le film.
Quand c'est les héros qui s'étonnent eux mêmes d'être encore en vie (jusqu'à en faire un ressort dramatique comme dans Pulp Fiction - à moins que Tarantino ne se prenne lui-même pour dieu !)
Mais d'autres fois, ça peut nous sortir du film. J'avoue m'être senti comme un équilibriste à me demander en permanence si c'était méta ou de la paresse dans The Dead Don't Die (faut que je le revois).

Dans le livre, Tolkien a le temps de développer les "pouvoirs" de l'Anneau. Il explique que des êtres surnaturels sont plus fort que son influence (notamment Tom Bombadil qui joue avec).
Dans le livre Tolkien fait ressortit l'héroïsme et la bonté.
Aragorn n'est pas un rodeur, c'est un paladin loyal bon, tout comme ces compagnons Gimli et Legolas.
Les hobbits bien qu'ils soient si petits en taille sont aussi très loyaux envers leurs amis.
Gandalf n'abandonne jamais. Il se bat jusqu'au bout et tente quelques coups bien sentis en terre du milieu.
Les elfes laissent la terre aux hommes, les nains ont disparu.
Pour Tolkien tout ça n'a qu'un seul but : faire grandir la bonté dans chacun des héros de ce monde. L'auteur croit fermement que la bonté, la loyauté sont les qualités qui vont sauver le monde ! Et ça marche.

Mais dans le film, ce n'est pas le cas, les héros sont plus gris.
Même Aragorn doute de lui. Il se dit qu'il sera comme Boromir alors que dans le livre Frodon se casse tout simplement sans lui dire et donc sans cette scène, ma foi fort jolie, où Aragorn dit "jusqu'au bout j'aurais été à vos cotés. Jusque dans les flammes du Mordor"
La scène est belle. Le doute est beau. Mais Aragorn est plus héroïque, plus brillant, plus beau... plus lisse diraient certains mais c'est ça l'important.

Fin du débat avec Rawash sur cet amer constat.
Le film a eu cette intelligence de film : rendre les héros plus gris, ajouter un suspens, rendre l'Anneau si terrible que même le plus pur des Hommes doute.
Mais il a fait un contresens avec l'oeuvre même de Tolkien.

des idéaux...

Tolkien a donc influencé tous ceux qui ont voulu se jeter dans la fantasy. Tous ? Oui. Avec plus ou moins de succès.
Mais ce qui différencie Tolkien de beaucoup d'autres ce sont ces personnages aux idéaux forts. Les bons sont bons et n'échouent pas - ou peu.
Les personnages sont vainqueurs parce qu'ils sont bons. Et celui qui veut essayer de copier Tolkien sans ça ne le fait qu'à moitié.

C'est peut-être aussi ce qu'on lui reproche. Que les bons soient trop bons. Que les héros soient des héros.
Et finalement c'est aussi en ça que Howard se différencie, par exemple. Conan ne se bat que pour l'excitation du combat. Il se fout de qui il tue.
Et que dire des personnages plus troubles (et troublés) dans La Roue du Temps

On peut faire de la fantasy sans héros "primaires" mais on ne fera jamais du Tokien...
Tolkien nous a tous influencé. Malheureusement aujourd'hui, les idéaux sont encore plus dur à atteindre...

Comme je le rappelais dans des articles précédents, nos héros sont plus sombres, plus tiraillés. Les meilleures ventes de Batman sont aujourd'hui l'arc du Batman-Qui-Rit, une sorte de Batman qui aurait finalement "fusionner" avec le Joker.
On veut voir nos héros dans des états de faiblesse, on veut les voir douter... Jusqu'à apprécier de les voir douter.
Et ce qui ne devait être qu'un petit méchant sympathique va influencer tout un arc de la justice league !
On aime voir nos héros faillir car nous sommes nous mêmes faillibles. Et nous ne voulons plus voir des premiers de la classe.

épilogue, épirogénique

Je suis le personnage principal de ma vie.
Plus je consomme de la culture, plus je prends des exemples dans ce que je vois et ce qui m'entoure.
Car il est très facile de retrouver des influences dans tous les médias qui nous entourent.
Que ce soit des livres de fictions ou des essais (lisez Les Barbares de Bruno Dumézil c'est très intéressant), que ce soit des séries ou des films, que ce soit des politiques ou des professeurs, tout le monde nous influence.

Nous sommes des éponges réceptives à tous les signaux.
C'est pour ça que très vite, l'homme s'est mis à parler de mythe et de légendes. Il fallait faire rêver, il fallait faire grandir.

Et aujourd'hui nous ne parlons que de la chute de ces mythes.

Le chaos nous guette parce que nous ne prenons plus pour exemple des personnes à la bonté irréprochable, nous ne voulons plus d'êtres parfaits.
Parce que nous savons que nous ne les atteindrons jamais.

C'est aux bardes d'essayer de recommencer à nous parler d'hommes et de femmes exceptionnelles.
C'est à nous de prendre exemple sur des gens meilleurs que nous.
C'est à nous d'être influencer par les bonnes personnes.

Cherchez l'histoire et trouvez le véritable héros.
Question pour la semaine prochaine : est-ce que le monde est de plus en plus violent parce que nous ne sommes plus influencés par des gens exceptionnels (et donc inaccessibles) ? Ou est-ce parce que nous les rejetons que le monde est de plus en plus violent ?

Utopistes debout !

Bonne semaine,
Bon courage.
Surtout ces personnes essentielles qui aujourd'hui coutent trop cher !
Moi je vous aime.
Et Rawash. Je t'aime Rawash !

- Hey vous avez vu, j'ai pas parlé de JK Rowling, parce que elle niveau : "je suis influencée et je fais de la merde"
- Ta gueule !
- ...
- Putain mais t'étais à ça de réussir. C'est plus fort que toi en fait...
- Désolé.

à suivre...

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