myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
07/10/2021
ellipse
Vis ma vie d'écrivain (sic)
Ellipse or not ellipse ? Telle est la question.
Dans ma vie d'écrivaillon, je me suis souvent remis en question. Il a fallu que je corrige, que j'arrange, que je m'inflige de drôles de mélanges : entre admiration, dégouts et critiques, je dois rester modeste, vu mon historique.
Je sais que je ne vaux rien mais je sais que je ne suis pas moins. Il suffit de me relire pour découvrir le meilleur et malheureusement le pire. Entre fautes de frappe et fautes de gout, maladresses et copier/coller chelou, je suis un chirurgien complètement taré qui utilise des bistouris rouillés et des couteaux de boucher pour faire vivre mon Frankenstein d'idée dans les quelques lignes raturées.
Oui, je sais que Frankenstein c'est le docteur, pas la créature. Pas besoin de jouer aux Enstein dans les commentaires si durs...
Qui n'existent pas non plus finalement, et c'est mieux pour mon orgueil dément...
Tout ça pour dire que dans tout ce magma infâme, je me débats pour retrouver la flamme.
Et alors que je me suis lancé dans une nouvelle correction, grâce à (à cause de) Rawash, en tout cas sous son impulsion ; j'ajoute, j'imagine, je tranche de nouveau, dans ce récit que je croyais très beau.
Mais qui ne l'était pas, pas tout a fait, pas encore, c'est ce qu'on dira.
Et me voilà à travailler l'orthographe en écrivant plusieurs nouveaux paragraphes !
Je recommence, donc, sous les conseils avisés de mon ami, je me rends compte que tout était loin d'être fini...
Et si tel personnage était plus fort ou celle ci mieux écrite. Celui-ci devrait être mort et certains aspects plus explicite ! La narration moins hachée, les lieux mieux décrits. L'action découpée et les clichés détruits.
Et loin d'avoir fini, je suis donc désormais, devant le fait accompli, de devoir réécrire tout un sonnet...
...
J'arrache, je raye, je deviens fou. J'étouffe, j'embraye, tout est si flou.
Je finis par trouver de nouvelles idées qui, je l'assure, doivent être mieux amenées. Et je me dis qu'une nouvelle relecture ne sera pas de trop si je veux finir pour de bon mon in-octavo.
Oui, la rime semble un peu plus poussive, mais, j'ai une explication, j'y arrive.
Me voilà soudain devant une interrogation, celle que je cache depuis le début de mon introduction.
Ellipse or not Ellipse, telle est la question, il va falloir maintenant trouver une solution...
un [place ton unité de temps ici] plus tard...
On peut tout mettre dans une ellipse, c'est pourquoi il faut l'utiliser avec parcimonie. Dans une histoire, ce qu'on ne dit pas est aussi important que ce que l'on dit. En d'autres termes, les trous d'un récits sont aussi importants que les mots qui le composent.
Ce sont des respirations bienvenues et des espaces que le lecteur doit remplir.
Notre vie, la véritable, celle qu'on écrit pas - ou peu - ne connait aucune ellipse. Il n'y a que le sommeil. Et encore, le cerveau travaille pour nous fournir nos plus beaux cauchemars.
Notre vie n'a pas de période d'entrainement à la Rocky avec un magnifique montage sur une musique punchy.
Notre vie n'a de respiration que la fonction vitale qui amène de l'oxygè-ne aux poumons. Nous la vivons d'une traite sans dieu... ni maitre.
Nous vivons (non pas en plan séquence, notre regard fait des milliards de coupes par jour - c'est à dire à chaque fois que nous posons nos yeux quelques part) sans ellipse donc.
Chaque jour passe (et se ressemble, ou non), chaque personne suit le court de sa vie (ou non) mais quoiqu'il arrive nous n'avons pour remplir nos vides que notre vie.
C'est à dire qu'à aucun moment on n'a conscience d'avoir vécu une ellipse.
- Sauf en 1997, on avait fait un pique-nique avec mes parents pour la voir. Et c'était bien sympa...
- ...
- oui ?
- NON !
Il y a un mois, j'étais en septembre, je faisais probablement quelque chose, mais ni maintenant ni il y a un mois je me suis demandé ce qu'il allait se passer un mois plus tard.
Il n'y aura donc rien de comique ou de triste à comparer ma journée du 7 septembre avec celle du 7 octobre.
Car il y a plusieurs sortes d'ellipse et je me rends compte que j'aurais du commencer par là.
L'ellipse pour gagner du temps, l'ellipse pour créer un effet (comique, pathétique, impressionnant, etc.) et l'ellipse pour ne pas avoir à raconter quelque chose de moins intéressant.
Soit on résume une longue période sans grand intérêt, soit on change de temporalité pour permettre de développer d'autres aspects du récit, soit on ne raconte rien laissant au lecteur le soin de combler les vides.
Attention, parfois, laisser des ellipses peut sembler judicieux jusqu'à ce que, par soucis d'incohérence (clin d'oeil aux auteurs de WestWorld et à mon premier article, pour ajouter une nouvelle histoire, l'auteur se met à les remplir à nouveau avec d'autres choses qui n'ont parfois rien à voir.
Exemple : "Vous vous souvenez quand j'ai dit que le Héros s'était entrainé pendant un mois, bah en fait il y a eu ça, ça et ça en même temps. on va vous le montrer en flashback"...
Autant le montrer tout de suite alors.
L'ellipse est aussi quelque chose de très rassurant, la possibilité pour un héros de dormir entre les lignes et de vivre son histoire loin de la plume inquisitrice et du regard accusateur du lecteur.
C'est un espoir. Commencer à imaginer une ellipse dans nos vies peut nous permettre de nous projeter. Nous le faisons tout le temps finalement quand on dit "dans un an, je me verrai là". Ce serait une véritable ellipse si tout se passait comme prévu. Mais ceci est une autre histoire...
Une ellipse enfin est une pause pour l'écrivain qui lassé de décrire quelque chose de ronflant veut pouvoir retrouver de l'action ou des sentiments.
Dans tous les cas l'ellipse est quelque chose qui permet de raconter toute une vie en quelques minutes.
En sautant les passages où je suis juste devant la télé ou sur mon pc, ma vie est passionnante... Mais courte ! Mais passionnante !
et si on essayait...
Et si on essayait finalement ?
Qu'est-ce qui nous empêche de faire nos propres ellipses ?
Et si là maintenant, en lisant cet article on se disait : dans un mois, je vais faire ça. On garde la pose, on se souvient de ce qu'on fait maintenant et on fait en sorte dans un mois de faire quelque chose de surprenant, de drôle, d'enrichissant pile un mois plus tard.
Par exemple, là, je suis devant mon pc en train d'écrire.
Je m'arrête donc et je pose mon menton sur main. Je soupire, blasé... l'article ne va nulle part. Ma vie ne sert à rien... Voilà, j'ai l'image, on fige...
A partir de maintenant et pendant 1 mois rien ne compte, ma vie pour les lecteurs s'est arrêtée, j'ai un mois pour arriver à un autre endroit, à un autre moment en faisant autre chose... OU PAS ! (parce que ça peut être marrant d'avoir la même pause dans un mois devant le même PC devant un autre article)... Rendez-vous dans un mois.
épilogue, epizoon
Déjà que j'étais pas fan de last of us part 2, mais en plus ils mettent une ellipse dans la vie d'Ellie pour mieux nous rappeler qu'elle a réussi à avoir une vraie vie avec son amoureuse et un bébé (ce qui contraste avec son aventure).
Et cette ellipse a eu je crois l'effet inverse qu'elle était censé avoir sur moi...
Une ellipse pour nous dire "regarde le bonheur" avant de replonger dans l'horreur...
ça n'a pas du tout fonctionné avec moi. J'ai juste eu envie de me dire si ça fini comme ça c'est nul, si ça va plus loin c'est nul.
Et en plus ça laisse tout un espace pour un DLC ou Ellie protège sa meuf sur le chemin du retour...
J'ai déjà parlé de Last of us 2 ici, ne recommençons pas. S'il vous plait ne me lancer par là-dessus.
Il y a aussi des ellipses complètement débiles et même chez les plus grands. Regardez prenez Indiana Jones et la dernière croisade. Quand ils sont à Venise.
Je ne parle pas de l'ellipse en avion qui est bien faite avec le trajet et tout (ça c'est un truc qui plairait à ma mère de passer en mode "carte" quand on voyage...
Henry Jones Jr et Marcus débarquent à Venise et sont accueillis par la belle professeure Schneider qui les accueille sur l'embarcadère blablabla, il la drague, il se prend un rateau et continue quand même (le forceur) et ils vont jusqu'à la bibliothèque.
- ça ressemble plus à une église ! dit Indiana Jones.
- c'est l'exacte vérité, répond la belle professeure, nous sommes dans un lieu saint blablabla
Jusque là ça va mais en vérité quand elle répond, ils sont dans la bibliothèque ! Alors, soit ils se sont téléportés et dans ce cas il n'y a pas d'ellipse. Soit ils sont entrés, ils ont peut-être salué le bibliothécaire qu'on verra plus tard, mais ça lui a pas paru bizarre à Indy, qu'elle lui réponde entre 5 et 10 minutes plus tard ?!
Quand on remarque ce genre de trucs dans un film après on ne peut plus s'empêcher d'y penser.
Bref les ellipses : bonne ou mauvaise idée ?
J'ai envie de vous dire, ça dépend. il y a un tas de moyens d'en faire ou non. Il y a un tas de moyen de voir comment le temps défile avec des ellipses ou non. Il y a toujours de bonne raisons de laisser respirer son récit.
Pour ma part, au moment où j'écris cet article au lieu de continuer d'écrire la fin de mon premier acte, je ne sais pas ce que je vais faire ou laisser. Si je dois faire une ellipse pour la combler plus tard dans un dialogue ou si je dois décrire rapidement sur toute la longueur.
Les ellipses servent toujours à quelque chose. Que ce soit dans nos vies, dans nos rêves, dans nos contes, les ellipses, et donc les non-dits, laissent place à l'imagination des autres. C'est peut-être pour ça que l'on considère parfois que c'est paresseux.
Et pourtant c'est dans les ellipses que nos héros, à l'ombre, protéger de nos idées les plus sombres grandissent.
J'ai déjà écrit quelque part dans ce blog que les personnages prenaient parfois le pouvoir sur leurs auteurs, c'est en leur laissant un peu de temps qu'ils deviennent ce qu'ils veulent être.
Un écrivain qui écrit tout ne laisse que peu de place à l'imagination et à l'émancipation. D'où la présence, salutaire, à mon gout de quelques ellipses.
Amusez-vous à les repérer dans les livres, les films... Remplissez les vides que les bardes laissent et vous verrez ! Vous verrez à quel point ces vides changent les personnages, changent l'histoire, changent parfois le sens...
Le saviez-vous, si j'écris un tome 2, il commencera 250 ans plus tard ?
Que peut-il se passer en 250 ans ?
Ce sera à vous de me le dire !
Quoiqu'il arrive on se voit dans un mois !
Pensez-y !
Et portez-vous bien !
à suivre...