myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
23/02/2020
tranche de vie
17h27, gare de Nancy (Ville), je viens de marcher deux kilomètres, les mains dans les poches de mon pantalon de costume bleu, cravate à point au vent, le manteau marron, fourrure blanche sur le dos. Il fait beau, j'ai décidé de marché depuis le Monoprix de Viller-les-Nancy jusqu'à la gare.
Je ne suis pas essoufflé, tout va bien. Il m'a fallu une petite demi-heure de l'endroit où je viens pour arriver à l'endroit où je suis.
Quoiqu'il arrive après cette grande marche, j'ai une soudaine envie. Et là, je trouve les toilettes. Les toilettes c'est cool. Mais dans cette gare, comme dans beaucoup d'autres ce n'est pas gratuit.
Rien n'est gratuit aujourd'hui. Ou alors vous connaissez l'adage, si c'est gratuit, c'est vous le produit !
Mais pourquoi ça le serait ?
Je me fais une réflexion peut-être stupide, si c'est pas gratuit, où vont les gens ? Il vont forcément faire ailleurs, dans un coin sombre, dans un parking, ce sont de gros dégueulasses les gens. Alors autant les virer de ces toilettes.
Je continue de réfléchir. Donc on en est là ? Faire payer pour séparer le grain de l'ivraie ?
Je regarde le mur et la faïence, c'est vrai que c'est propre. Cette qualité de toilette ne peut être que payante. J'ai l'infime honneur de faire pipi dans un endroit propre et bien tenu qui a écarté les pauvres au prix d'un sacrifice financier. Je fais pipi avec les riches pour 90 centimes d'euros.
90 centimes que j'ai payé en sans contact avec ma carte pour que le tourniquet s'ouvre.
Tout est sans contact aujourd'hui ça va plus vite. On parle sans contact, on se drague sans contact. On fait même l'amour sans contact. On explose quelqu'un sans contact...
J'ai lu dans je ne sais plus quel news de mon fil d'actualité Google que les sextos étaient le nouveau moyen de faire l'amour. C'est érotique. C'est sans contact et pourtant tout aussi excitant. Il faudrait que je retrouve la News...
Tiens même ça, on s'informe en sans contact.
On disait que nos échanges deviendraient plus éthéré, les principaux auteurs de romans d'anticipation prédisaient des échange télépathique, un amour télépathique.
A la place on a les texto et leur interprétation.
Leur interprétation souvent erronée qui donne des quiproquo car résumé une pensée par quelques caractère écrit sur un smartphone relève soit de l'inconscience soit de la folie. Et je comprends ceux et celles qui veulent de plus en plus de véritable contact soit avec le papier (livres, journaux) soit avec les humains.
Une humaine, il y en a une dans les toilettes. Alors. Est-ce le prix à payer ? C'est le prix à payer pour avoir des toilettes propres ? Pour que les gens soient respectueux de cet endroit intime. Est-ce qu'on pisse moins sur la lunette des toilettes quand on paie ? On se lave plus les mains avec du savon (qui sent bon) quand on paie ?
J'en sais rien. Je sors, l'humaine me salue.
C'est un service en plus le bonjour de la dame-pipi, je n'ai pas trouvé de mot savant. Oui parce qu'il doit y avoir un mot savant pour définir ce métier aujourd'hui amené à disparaitre - oui parce que l'arnaque est là, parfois on nous demande de payer mais personne ne nous accueille.
Bref elle est gentille cette dame (jeune femme rousse au sourire sincère et aux formes discrètes) même si elle doit subir les mêmes vannes de gens qui ne comprennent pas pourquoi l'entrée dans cet endroit est de 90 centimes.
Est-ce que ça les vaut ? J'en sais rien.
l'attente en gare...
17h31, toujours à la gare. Cette réflexion que j'ai transcrit aujourd'hui ne m'a pris en tout et pour tout que 4 minutes, j'ai encore du temps.
Et maintenant ?
Ma réflexion sur le sans contact m'a donné envie d'acheter le journal, le Canard pour être précis pour y lire les histoire du zizi de Griveaux (on parlait de sexe sans contact, vous avez réussi à suivre ma pensée ?).
Je l'achète. Encore une rousse à la caisse. Je paie.
Je veux m'asseoir pour attendre et lire tranquille, mais les chaises et les tables sont estampillées "Paul" je me sens obligé de prendre un truc chez eux. Je ne vais pas m'asseoir sans consommer. Mais les tables sont dégueulasses : miettes, traces de café (ou autre), traces de gras.
Je me demande combien vaut un humain. Sa valeur est mercantile, c'est comme tout le reste. C'est malheureux mais c'est comme ça.
L'humain a une fiche de mission (de poste). Pour combien est-il obligé d'essuyer les tables toutes les heures ? toutes les demi-heures ? deux fois par jour ? La dame-pipi m'a souri pour 90 centimes. On en est là. Vendre un service. Je sais bien que oui, c'est mon travail de vendre des services.
Je dois en inventer de nouveaux, contrôles les basiques. Je dois m'assurer que nous vendons bien un service.
Un service que le commerçant du coin - que nous avons nous aussi tué - faisait jadis gratuitement (vraiment ?). Un sourire en caisse, un conseil. La mutation est dure. Les habitudes sont longues à changer.
Est-ce qu'on peut obliger quelqu'un à sourire pour un pipi ?
Est-ce qu'on doit obliger quelqu'un à nettoyer des tables ?
L'argent peut-il vraiment tout acheter ? On en est là n'est-ce pas ? Au risque de quoi ? Au risque de perdre le bon sens (si je ne dis pas à un employé de nettoyer les tables le fera-t-il ou considèrera-t-il qu'il n'est pas payé pour ça ?). Si un employé ne le fait pas à quoi bon obligé un autre de le faire.
Qui est payé pourquoi ? L'hôtesse de caisse du Relay m'a souri celle du Paul m'a à peine regarder. C'est une différence de salaire ? Ou de bon sens ?
Là on en vient à l'évaluation des employés par les patrons. L'évaluation interdite. La comparaison défendue. Le challenge tabou...
Le point de vue de DRH qui n'osent plus challenger, qui n'osent plus comparer, affirmer, écrire des fiches de missions.
Pourquoi ? Je vois bien là les égalitaires dire qu'on a tous le droit d'être considéré, qu'il ne faut pas monter les employés les uns contre les autres, il y a eu tellement d'exemple de challenges inter-employés qui tournent mal car mal compris. Jugé sur l'instant (on en parlait de l'instant). D'ailleurs France Info, je vous paie par pour des articles putaclic de "tendance" Twitter. Je vous paie pour être imlpartial et faire des articles de fond.
Les syndicats voient bien que c'est un moyen de gagner en productivité, et on n'est pas dupe du coté des salariés non plus. Et on ne s'en cache pas du coté patronnat. Les compétitions favorisent la productivité. C'est pour ça qu'on en fait. Mais si tout le monde est content, alors pourquoi gueuler ? Les perdants ne sont jamais montré du doigt. Seuls les gagnants sont valorisés. Enfin, en règle général. Où est la limite ? On en est là.
Et en plus il n'y a plus de pain au chocolat. Je vais donc prendre un beignet à cette vendeuse indifférente (pas malaimable, juste indifférente) pour pouvoir m'asseoir dans l'espace mal tenu et lire mon Canard.
j'ai pas fini...
17h36, je suis enfin assis sur une chaise qui apparemment ne me supportera pas très longtemps. Je change pour une moins pire. Mais j'aurais toujours le stress de tomber. L'écran bleu n'affiche pas encore le quai d'où partira mon TGV pour Paris Est. J'ai donc toujours le temps de perdre mon temps. J'ouvre mon journal et je croque mon beignet
Merde !
Je m'arrange toujours par habitude pour croquer dans la partie d'un beignet où le chocolat est moins bien réparti (en enquêtant, en regardant chaque partie de la patisserie pour savoir de quel coté il a été fourré et commencer par la partie opposée). Mais là, je n'ai pas fait attention, perdu dans mes pensées anti-consuméristes. Putain ce pipi payant m'aura couté cher aujourd'hui. En effet, je mange toujours la partie la plus fournie en chocolat en dernier. Je garde le meilleur pour la fin, c'est logique.
Les gens sont comme moi, on finit toujours par le meilleur. Alors pourquoi on appelle ça des PREliminaires ? Quoique y a matière à débattre.
Je m'égare. le Canard Enchainé est de moins en moins clair car la luminosité baisse. J'apprends que le RN est dans la merde financièrement. Je me dis qu'ils vont dire que c'est le système qui les censure. Je souris. C'est gens là ne méritent même pas une ligne dans mon blog (ni dans ma tête) alors je passe à autre chose. Le soleil se couche plus tôt dans l'Est. Il fait de plus en plus sombre dans ce hall de gare froid.
Je tourne un peu sur Twitter. Zelda Dorant est un mec ? (Bien ta grotte ?) Wouah...
Y a encore des types qui se font passer pour des meufs pour attirer l'attention. Je veux dire, je ne remets pas en doute qu'il (donc) soit dépressif et qu'il a besoin d'attention. Mais là ça en devient maladif. Les femmes ont déjà assez peu de temps de parole et de visibilité pour qu'en plus on leur en vole.
Prends en de la graine, je me dis, personne ne te lis toi, elle avait 30K d'abonné.
Unfollow.
Et encore le zizi de Griveaux. Non mais... Je m'en tape en fait. Je ne comprends même pas pourquoi il s'est désisté. Alors oui il aurait pu faire attention, et oui, il est pas très subtil. Mais qui n'a jamais envoyé de nude lui jette la première pierre et puis merde, l'image qu'il renvoie aux victimes de Revenge Porn est désastreuse. Si vous êtes victime, cachez-vous. mais le coté feuilleton, ça devient bien relou.
en mode Koh Lanta
17h54, quai 4 donc, mon train est arrivé. Je me lève et j'y vais.
Toujours dans mes pensées, toujours un peu perdu.
Tout ça à cause d'un pipi ? j'ai essuyé ma table avec ma serviette. C'est pas tip-top mais c'est mieux que rien, ça sera toujours ça de pris pour le prochain, ou celui qui devait le faire. Je cale mes écouteurs dans mes oreilles et j'avance.
Oh non, je n'écoute pas toujours de la musique quand j'ai mes écouteurs, mais j'aime bien l'effet de son étouffé que ça me fait. J'ai l'impression de me mettre dans une bulle. Les conversations m'arrivent comme des échos, je suis obligé de me concentré si je veux entendre telle ou telle personne parler. Et je ne le veux pas.
Mon train n'est pas en retard, je vais donc arriver à l'heure pour Koh Lanta.
Qu'on soit bien clair, je ne regarde pas Koh Lanta en me disant : "Non, mais c'est stupide, je regarde ça comme un documentaire sur la bêtise humaine" (en mode sociologue) ou encore : "c'est juste pour me vider la tête et décompresser" (excuse honteuse). Non je regarde Koh Lanta en mode premier degré.
Déjà parce que les images sont belles, que la réalisation est top et que les cadreurs sont excellents. Et puis à un moment donné, je crois que je me prends bien plus la tête sur Koh Lanta que sur un film : Le Grand Bain par exemple.
Le Grand Bain, c'est une magnifique histoire, un film bien réalisé avec des acteurs qui jouent très juste. Les personnages sont cassés, imparfaits mais attachants, ils veulent prendre une revanche sur le monde ou plutôt sur eux-mêmes. Le final est excellent. On se laisse prendre par l'histoire de bout en bout. C'est souvent drôle, parfois triste et toujours émouvant. On se laisse emmener où le réalisateur veut nous emmener.
Je vous le recommande vivement (oui je sais qu'il est sorti il y a un an, mais je viens seulement de le regarder).
Mais dans Koh Lanta, ce qui m'amuse, ce que je kiffe c'est pas forcément la sociologie qui est bien présente.
Oui, il y a un peu de socio là dedans, comme dans toute télé qui nous montre une certaine "réalité". Les candidats sont des archétypes bien castés pour qu'il y ait celui qu'on déteste, celui qu'on trouve touchant, le débile, les gros bras, celle qui sait tout, celle qui a des boobs...
Et les interactions entre ses archétypes sont toujours les mêmes entre clash, "stratégie" (je mets entre guillemet parce que... à votre niveau c'est pas de la stratégie c'est de la manipulation la stratégie c'est quand on est intelligent - Le pouvoir des guillemets !! Faut pas en abuser).
Mais Koh Lanta, c'est surtout du Story-Telling de grand art, avec un Denis Brogniard qui sous prétexte de raconter une histoire attise des clashs. Les cadreurs capturent des images, elles sont montés, racontés pour que l'histoire de la saison s'écrive dans les larmes et le sable !
J'aime chercher les trucs de narration (c'est un blog sur l'écriture ou pas), j'aime imaginer l'envers du décor et les cadreurs et journalistes sur la plage qui cherche le bon plan, le bon mot, la petite histoire à raconter à travers les interviews.
Je pense (peut-être naïvement) que rien n'est scripté. Le casting suffit à lui seul à faire naitre des histoires et que les types qui réécrivent l'histoire à la réalisation, au montage sont de vrais conteurs. La "réalité" (entre guillemet) des "télés-réalités" n'est pas artificielle (comme les seins en silicone des candidates) elle est juste mise en scène et racontée à différent échelle.
Et Koh Lanta est un exemple de conte comme il en existe d'autres. Sur le même modèle que le monomythe. On fait naitre des héros, on les place dans un monde qu'ils ne connaissent pas et ils en reviennent "définitivement changés". (lol).
Qu'on soit clair, je ne suis pas tombé dedans au point de faire des paris sur qui va sortir, qui va rester. Mais je me fais mes petits films. Je cherche l'histoire que la production dans son ensemble veut me raconter et je trouve cette histoire sympa.
Alors peut-être que j'ai tort et que tout est scripté. Mais j'en doute.
En tout cas j'aime imaginer l'envers du décor. Et vous le savez si vous lisez mes tweets.
épilogue épitrope.
J'aurais pu finir là-dessus. J'avais une belle conclusion sur le fait qu'avec certaines images et un casting bien vrillé dès le début, permettait à la production de créer une histoire.
En plus ça collait avec tout ce que j'écris depuis le début dasn ce blog. Quand les personnages sont bien construits, quand le cadre est rigoureux alors l'histoire découle d'elle-même. Comme si elle était racontée par les personnages qui se libèreraient des chaines de l'auteur.
Un peu comme dans un jeu (vidéo) finalement, les concepteurs fournissent les règles et certains personnages et les joueurs font ce qu'ils en veulent.
Et je crois que la production de Koh Lanta s'emploie à ça justement : faire naitre des histoires en imposant aux joueurs un cadre (plage paradisiaque loin de tout) et des règles (si vous perdez lors des épreuves vous virerez quelqu'un).
Un peu d'huile sur le (non-)feu, une voix off de Denis rappelant d'une manière faussement neutre les évènements important de la journée sur le camp (tout en insistant sur les irritants de l'histoire - j'aime Denis Brogniard) et vous avez une histoire qui tient la route et qui finit par être addictive.
J'aimerais vraiment voir comment un épisode (une saison) est construite. Car ils sont là, les bardes de notre temps.
Quand j'ai fait la liste des arts je me suis volontairement arrêté au 7ème art, le plus noble aujourd'hui qui réunissait, de mon point de vue, tous les autres.
Sur Wikipédia, la liste monte jusqu'à 10 (le jeu vidéo étant le 10ème) avec la télévision (l'art médiatique) en 8ème art. Oui, c'est de l'art finalement.
Combiner toutes les techniques de l'époque pour transmettre des émotions. Bah la télévision (et Koh Lanta ou Top Chef en particulier) transmet des émotions, c'est indéniable.
Alors oui, Koh Lanta, c'est pas noble comme le cinéma.
Mais déjà, 1, on pourrait redéfinir noble parce que par exemple y a du cinéma qui n'est là que pour nous faire consommer aussi (pubs, placement de produits, jouets, oh salut Georges !) et 2, on ne peut pas juste opposer les histoires. On a le droit d'aimer Matrix et Koh Lanta, non ?
Bref j'en sais rien.
Tout ce que voulais faire à la base c'est vous parler de l'importance des détails. Une histoire n'est crédible que sur les détails qu'elle offre. Mais ça c'est donc la conclusion de la prochaine fois.
Alors, le mot de la fin de cette semaine ? Facile !
Quoique vous regardiez, lisiez, cherchez l'histoire. Quoiqu'il arrive, quoique vous fassiez, qui que vous soyez, cherchez l'histoire. Il y a des histoires dans tout, même dans une sombre affaire de pipi payant. L'histoire est là, sous nos yeux. Elle n'attend qu'à être raconté.
écoutez des histoires, racontez des histoires, mettez en avant les bardes qui sont partout, imaginez, rêvez !
Merci beaucoup.
Et à la semaine prochaine !
Ou pas.
Bonne soirée !
à suivre...