myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

03/10/2019

lire, penser et mourir vite

Malgré ce titre un tantinet triste, cette semaine on va essayer de ne pas se lancer dans une introspection que seuls mes biographes les plus expérimentés pourront comprendre et on va parler de conteurs d'histoire.

Ils sont des millions de par le monde, des milliers ont du talent, des centaines sont des génies et tous ont en commun la même passion pour raconter des histoires. Je veux parler des bardes. J'utilise le mot bardes car, petit un, j'aime l'univers d'héroic-fantasy, et petit deux, je considère que tous les auteurs capables de s'élever dans leur art pour transmettre des histoires sont des bardes.
Les chanteurs, les auteurs, les cinéastes... Du plus petit écrivaillon jusqu'au réalisateur couronné et adulé du public, tous ces gens ont une certaine facilité à écrire et à raconter des histoires.
Les bardes donc inventent des univers crédibles, ou au moins vraisemblables, au travers d'écrits, de films ou de chansons. Ces conteurs des temps modernes savent utiliser leur imagination, leur voix, leur vision et leur technique pour nous transporter dans un autre univers (une diégèse) plus où moins éloigné du monde que l'on connait. Qu'on partage ou non leur vision, leurs intentions sont louables et j'admire ceux qui réussissent à nous emporter dans leur vision.
Une chanson a une diégèse (bon pas celles de Christophe Maé) comme le Coureur de Goldman qui nous embarque dans une histoire d'un athlète déraciné. Ou plutôt Juste Après toujours de Goldman dont le clip montre un morceau de documentaire devant lequel l'auteur/compositeur a été absorbé dans lequel on voit un sage-femme "sauver" un bébé "mort-né" pendant deux longues minutes. Il s'est alors demandé "qu'est-ce qu'on peut bien faire, juste après ça" et nous avons une de ces plus belles chansons.
Un livre a une diégèse.
Un film a une diégèse (et on en a déjà parlé).
Les créateurs de diégèse sont des bardes. Et si tant est qu'on croit en dieu, ce dernier est forcément un barde qui a su insuffler dans la vie une histoire, une vision, mais je vais m'arrêter là car je suis bien plus athée que croyant même s'il me plait parfois de penser qu'il existe une force supérieure un peu au-dessus qui, non pas nous surveille, mais nous observe - et donc nous change, c'est le principe même de l'influence de l'observateur dans les théories quantiques... Et je vais arrêter de parler de dieu car je ne veux pas spécialement qu'on me catalogue comme un déiste alors que je suis plutôt agnostique à tendance optimiste.

Nos conteurs, nos bardes sont donc nombreux et nous racontent des histoires, des contes, des légendes et des mythes et ils le font depuis la nuit des temps à l'oral, en chanson, en livre ou en peinture et plus récemment au cinéma.

Et c'est de toutes ces histoires dont je veux parler car si elles ont tendance à se ressembler (beaucoup tourne autour d'un héros aux mille visages) elles n'en sont pas moins sujettes à interprétation.
Et si le Barde qui la raconte n'est qu'un traducteur des mille et une légendes qui sommeillent dans son esprit, il y a fort à penser que c'est le récepteur de ces contes qui en fait le produit final dans son esprit. C'est à dire le comprend, l'aménage à sa sauce et s'en souvient (ou non - dans sa globalité, ou non) et finit par en faire un autre version plus ou moins fidèle à l'originale.
Entre ce que je crois dire et ce que tu veux entendre
L'Histoire contée, la chanson écoutée ou le film visionné devient alors une oeuvre singulière qui n'appartient qu'à soi (j'ai donc répondu à la question que je me posais plus tôt) dans l'esprit de celles et ceux qui écoutent ces bardes.

En un sens, et c'est là où je voulais en venir avec cet introduction, les histoires ne dépendent que de la compréhension et de l'interprétation que l'on s'en fait. Elle devient alors plus personnelle, plus triste, plus drôle, plus pathétique en fonction de ce que l'on a vécu et de ce que l'on a cru comprendre - et même de ce qu'on a voulu comprendre - peut-être bien à des années lumières de l'intention première des auteurs...

on aurait presque pu s'arrêter là...

... mais dans ce blog on prend pas les gens que pour des jambons, et même si mon introduction aurait fait une belle conclusion, on va essayer de développer un peu ces idées tout de suite avec des exemples et qui sait peut-être que d'ici la fin de la page vous aurez retiré quelque chose de ces quelques lignes.

l'histoire ne dépend que de vous.

On dirait carrément la punchline des dessins animés Captain Planet mais loin d'être un simple effet de style, l'histoire qui est racontée ne dépend que de notre compréhension, de notre interprétation et du souvenir que l'on s'en fait.
Par exemple, là, je parle de Captain Planet, je suis presque certain que mon souvenir est meilleur que les dessins animées si je devais les regarder de nouveau aujourd'hui. Peut-être aussi parce que me rappeler de ce super-héros qui était bien en avance sur son temps à essayer de sauver les dauphins et empêcher des sales types de bruler la foret, me rappelle aussi la période de ma vie où je regardais ce genre de dessin animée, chez ma grand-mère avec une tartine de nutella.
On remarquera l'ironie de manger du nutella, dont l'ingrédient principal est l'huile de palme qu'on récolte en détruisant des jungles pour planter des palmiers, devant Captain Planet. Mais on s'en fout, le nutella c'est bon, le type avait la classe même avec ses cheveux verts et à l'époque ma grand-mère était encore là ce qui, vous l'avouerez, est non seulement ce qu'il y avait de mieux dans les années 90, mais aussi un argument d'autorité incroyable : allez me juger maintenant...

D'ailleurs, je ne comprenais pas tout dans certains films ou dessin animé que je regardais avant et les revoir aujourd'hui m'amène à un nouveau niveau de compréhension. Pourtant, j'aimais ses oeuvres pour quelque chose, je les aime aujourd'hui pour d'autres raisons. Ce qui me fait déduire que l'histoire que l'on raconte n'a de sens que pour celui qui l'entend.
La vie ne nous épargnant pas, notre propre histoire fait résonance avec ce que l'on voit et elle devient unique, même lorsqu'elle est tiré du monomythe.
Notre compréhension change la donne...

Dans son Encylopédie du Savoir Relatif et Absolu, Bernard Werber écrit :
Entre
Ce que je pense
Ce que je veux dire
Ce que je crois dire
Ce que je dis
Ce que vous avez envie d'entendre
Ce que vous croyez entendre
Ce que vous entendez
Ce que vous avez envie de comprendre
Ce que vous croyez comprendre
Ce que vous comprenez
Il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même...

Et si je vais avoir du mal aujourd'hui à vous conseiller de lire cet auteur, qui m'a pourtant passionné (avec le Père de nos Pères, les Thanatonautes, l'Ultime secret et les Fourmis), je n'en suis pas moins tout à fait d'accord avec lui.
Nous avons 10 raisons de ne pas pouvoir communiquer, et essayez de faire ressentir la bonne émotion en texto pour vous rendre compte que c'est impossible.
Et de cet état de fait, la conclusion que l'on peut en tirer c'est qu'entre ce que l'auteur veut dire et ce que le spectateur ressent, il y a un gouffre, un monde, un univers et parfois des déchirements irréparables...
Le barde, quelque soit son talent, peut, comme vous et moi, ne pas réussir à communiquer et donc à transmettre l'univers qu'il veut écrire. Car nous comprenons tous les histoires différemment en fonction de nos émotions, de nos souvenirs, de notre culture personnelle.

qu'a-t-on en commun ?

Nos débats sont enflammés quand on parle de cinéma, de livres ou de chansons pour la simple et bonne raison qu'on ne ressent pas un texte, une oeuvre de la même façon.
Souvent les oeuvres sont calibrées pour plaire au plus grand nombre, comme on peut aller dans n'importe quel Burger King du monde pour retrouver un Whopper, et pourtant elles arrivent à toucher les spectateurs différemment.
L'ambiance même lors du visionnage d'un film peut influer sur la façon dont on recent le film. Avengers Endgame ne sera jamais aussi bien que la première fois que je l'ai vu avec du champagne sur le balcon et dans l'ambiance électrique du Grand Rex...
Ce qui met d'ailleurs la pression quand on propose un film qu'on connait par coeur à quelqu'un d'autre qui semble moins receptif - genre la meuf, elle prend son portable pendant la meilleure scène quoi ! Hum... Pardon.

Tout dépend donc de soi.
Prenez les films, les livres ou les chansons comme vous êtes et on ne peut pas vous juger pour ça...
Mais alors, qu'avons-nous en commun ? Les grands mythes sont redevenus ce qu'ils étaient, des contes. Les religions font de plus en plus d'adeptes, mais jusqu'à quand ? Les anciennes croyances sont oubliés, les sciences incomprises sont apparentées à de la magie. Reste l'Histoire, avec un grand H. L'Histoire du monde, celle qu'on enseigne, est malheureusement, elle aussi, une sorte de conte.
Loin des théories complotistes que j'exècre, l'Histoire est aussi remplie de mensonges. Je parle de l'Histoire officielle qui glorifie nos rois ou non, invente la resistance gauloise, ou non, en fonction des institution en place. L'Histoire est écrite par les vainqueurs. Les vainqueurs écrivent qu'ils ont gagné, ce qui est à la vérité, forcément les perdants n'ont pas voix au chapitre, mais ils en profitent souvent pour dérouler une stratégie de communication sur l'ennemi pour l'humilier.
On pourrait rajouter que l'Histoire est composée de dizaine de milliers de petites histoires qui ont toutes leur importance, quand on connait la puissance d'un battement d'aile d'un papillon à l'autre bout du monde.
Non je déconne, en vrai c'est toute notre société de consommation qui est responsable des ouragans de l'Atlantique, mais c'est bien plus simple d'accuser un papillon.

Nous avons donc en commun certaines sensibilités, nous formons des groupes qui aiment les films ou les livres. Des communautés qui parfois sont capables du pire et parfois du meilleur.

épilogue épiscopal

Pas beaucoup d'exemple à vous proposer dans cet article cette semaine. Et pourtant beaucoup d'exemple dans nos têtes.
Entre ce qu'on ressent, ce dont on se souvient, ce qu'on voit et ce qu'on veut nous montrer, il y a parfois énormément de différence.

Les histoires, mythes et légendes que l'on nous raconte ne sont pas extraordinaires parce que le barde qui nous la lance est excellent (même si ça aide) mais elles le sont parce que nous voulons qu'elles le soient.
La place de nos émotions propres est importante dans la crédulité et dans la compréhension qu'on s'en fait si bien que chaque histoire est unique. Peu importe que le héros soit ou non un de ces héros aux mille visages. Peu importe comment elle nous ai transmise (bien que cela joue dans notre compréhension). Car nous finissons par en faire ce que nous voulons. Nous finissons par la comprendre comme nous le voulons. Et nous confrontons cette idée avec d'autres et nous apprécions encore plus ces discussions.

Si j'aime toutes les touches méta, les making-of et le processus de création derrière chacun des films que je vois. Je n'en reste pas moins un gros coeur d'artichaut devant About a boy, avec Hugh Grant. Je n'ai pas dormi après avoir vu Blair Witch Project, mais aujourd'hui le cinéma ne me fait plus peur quoiqu'il fasse (débauche de gore ou morale douteuse...)

Nous fabriquons sans cesse nos propres contes.
Les bardes ne sont que les passeurs de notre propre imagination. Ils sont ces intermédiaires indispensables pour éveiller nos consciences et nous faire partager nos propres émotions...
Eveillez-vous, les contes et les légendes de notre temps nous appartiennent et nous transforment.

Je me rends compte à la fin de cette chronique que je n'ai pas du tout dit ce que je voulais dire cette fois. Mon idée de départ était de prouver qu'une même histoire (un film par exemple) pouvait être vue et comprise de deux façons différentes. Mais je me suis laissé emporter par un peu de lyrisme et finalement ce n'est pas plus mal.

Vivre, entendre, voir, apprendre à ressentir... et mourir vite parce que quand même.
Aller salut !
Et rappelez vous :
L'avenir ne dépend que de vous !

à suivre...

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