myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

18/04/2021

deux histoires

Je n'ai pas écrit récemment dans ce blog et j'en suis désolé, comme à chaque fois, j'ai besoin d'un peu plus d'inspiration pour essayer de ne pas me répéter continuellement.
Je pense toujours qu'il est important de mettre en valeur les conteurs d'histoire car ils sont ceux qui arrivent encore aujourd'hui à nous faire progresser intellectuellement ou émotionnellement.
Mais dans ce monde qui nous intéresse aujourd'hui, je me dois d'affirmer que nous sommes toutes et tous des conteurs d'histoires...

On raconte tous des histoires.
Et comme toutes les histoires, celles-ci ce déroule dans un monde qui n'existent pas ou peu.
Je crois sincèrement que ces histoires sont loin d'être la vérité. La vérité c'est ce qui existe quand on cesse de raconter quelque chose.
Je ne dis pas que toutes les histoires sont fausses (en fait si un peu) mais je dis que la vérité se passe aisément du récit.

Si la vérité peut être présente dans chacune de nos histoires, vous avez forcément remarqué que dans chaque histoire que l'on raconte il y a toujours au moins 2 histoires (ou plutôt deux façons de la raconter) et autant de façon de l'entendre.

A nous, à vous, de trouver dans chaque histoire qu'on vous raconte la vérité, c'est à dire ce qui reste quand on a enlevé toutes les opinions ou les émotions.

Qu'on soit clair, je ne dis pas que les histoires sont mauvaises. Loin de là. Je dis juste que quelque soit la façon de raconter quelque chose il y a toujours soit un parti pris, soit des coupes ou des exagérations.
L'humain a toujours eu le don de mettre un peu de sa personne dans l'histoire qu'il raconte.
Toutes les histoires sont Meta, on en a déjà parlé.
ça veut dire quelque chose, ça veut dire que chacun la raconte avec sa propre passion, sa propre expérience, sa propre compréhension et donc sa propre vision.
Ce n'est pas pour rien que j'écrivais dans l'exposé de mon petit cousin que c'étaient les vainqueurs qui écrivaient l'Histoire.
L'Histoire du monde n'est qu'un ensemble de faits contextualisés à l'avantage de ceux qui l'ont toujours écrit.
Je pourrais prendre un exemple, Napoléon Bonaparte était un tyran sanguinaire qui avait la folie des grandeurs qui a fossoyé l'esprit de la Révolution mais ça ne nous empêchera pas de fêter en grande pompe le bicentenaire de sa mort cette année.
Parce qu'il représente la France qui gagne et part France qui gagne imaginez une France qui contrôle l'Europe de la Pologne à l'Espagne en passant presque par l'Angleterre (ah putain si seulement on n'avait pas perdu à Waterloo).

les conteurs ne seront jamais d'accord

Pour finir sur Napoléon, certains historiens, notamment anglais et américains, le comparent à Hitler. Bien qu'on ne peut pas nier quelques similitudes, beau parleur, dictateur, stratège, il n'en reste pas moins des différences. Des différences qui suffisent à nos historiens français de réfuté toute comparaison !
Je ne vais pas me lancer dans une comparaison, j'en suis bien incapable. Alors pour préparer ce billet, j'ai bien lu quelques trucs ici et là, mais je ne suis pas assez calé pour ne pas faire de raccourcis. Disons simplement que la comparaison n'est pas si sotte bien qu'une des grande différence entre l'empire et le reich c'est qu'on a jamais essayé de tuer tout un peuple.
Mais ce que je peux dire c'est que lorsque plus jeune, j'ai lu Le Voyageur Imprudent de René Barjavel, publié en 1944, le héros de l'histoire déjà voyait en Napoléon le plus grand dictateur de tous les temps et voulait revenir dans le passé pour le tuer.
Je ne spoilerai pas la fin mais René Barjavel est le premier écrivain à parler du paradoxe du grand-père...

Donc, résumons en disant qu'il existera toujours autant d'histoires qu'il y a de conteurs et que si l'une ou l'autre de ces histoires et plus ou moins proche de la vérité elle y est toujours, au moins en substance cachée.

Alors c'est à ce moment là que vous me dites : y a des histoires plus vraies que d'autres.
Il y a des conteurs plus sincères que d'autres.
Il y en a des bien plus francs, des biens plus objectifs !

Il y a toujours au moins deux façons de raconter des histoires. Et il y a toujours deux façons de les entendre et de les comprendre.
Et c'est là le vrai problème, entre ce qu'on me raconte et ce que je comprends, il y a déjà tout un monde !
Déjà, il y a toujours plusieurs façons de raconter un évènement.
En omettant des détails qui ne nous paraisse pas important, en en rajoutant sur une action, une pensée. En accentuant des défauts ou des qualités. Le message sera explicite ou implicite.
On racontera le même évènement différemment tout au long de notre vie en fonction de notre expérience, de notre compréhension qui évoluera.
Il faut savoir quelque chose, une histoire a toujours une temporalité différente de l'action initiale.
Personne ne peut (et ne doit à mon sens) se raconter une histoire en la vivant. L'analyse vient toujours après et elle s'alimente avec le temps.

Prenons un exemple pour illustrer.
Dans Watchmen par exemple, la vieille spectre soyeux raconte à sa fille (la nouvelle spectre soyeux) qu'elle a été violée par le comédien. Et la jeune ne comprend pas que sa mère soit si affectée par la mort de ce dernier.
Après tout c'est un salaud qui méritait de mourir.
Mais avec toute sa philosophie, la vieille dame raconte que même les souvenirs les plus noirs finissent par devenir gris. Et on apprendra plus tard que de cette union est née, justement, sa fille.

Tous nos souvenirs deviennent plus gris.
C'est pour ça qu'on se souvient avec mélancolie de nos histoires d'amour passé, qu'on en veut de moins en moins à nos rivaux ou ennemis et qu'on apprend peu à peu à vivre dans le présent.
En nous replongeant dans nos souvenirs, nous arrivons finalement à trouver un sens et à raconter une nouvelle histoire qui nous correspond plus.
Je veux dire qui correspond plus à l'image que l'on se fait de notre propre personnage.

Nos déceptions deviennent des apprentissages. Nos réussites, des définitions.

victime et vilain des vicissitudes de la vie

La vie est difficile à raconter.
Car souvent on oublie que dans une histoire, on argumente, on fantasme, on invente.
Si je ne sais pas ce que pense l'autre (de moi ou de la situation) comment être sûr qu'il agit avec ou contre moi ? Alors je dois imaginer le pire, ou le meilleur ?

Les histoires qu'on se raconte sont pires que les histoires qu'on raconte.
Je ne suis le héros que de mes pensées, je n'ai d'autres choix que d'imaginer - avec le peu que je connais de la personne en face - ce qu'il pense réellement.
Et c'est à cet instant qu'on devient victime de son récit...

Dans chacune des histoires que l'on raconte on est la victime ou le vilain, comme le dit V dans l'excellent V pour Vendetta.
Certaines personnes en effet, se placeront en victime et chercheront à attirer de la compassion, à tordre la compréhension d'une simple histoire.
D'autres seront les vilains, cherchant en permanence à se justifier pour échapper aux rôles qu'ils se donnent eux-mêmes.

Pour faire simple disons que la vérité est là entre les deux, que personne ne vous prend pour une victime, ou un vilain, qu'il faut toujours chercher l'histoire la plus objective possible, ne pas chercher à s'excuser ou à se victimiser.
Et laisser les autres faire le choix de ce qu'ils veulent comprendre.
Car la deuxième phase d'une histoire est là : que vont-ils comprendre ?

Vont-ils me prendre pour un salaud ? Vont-ils avoir pitié de moi ? Vont-ils se moquer de moi ?
Raconter une histoire (son histoire) c'est accepter de ne pas être compris.
Et c'est là le véritable problème.
Personne ne peut se mettre à votre place, personne n'a votre histoire, votre "background" comme on dit... euh nulle part.
Personne ne connait vos pensées les plus intimes, même vous, vous ne connaissez pas vos pensées les plus intimes bien cachées au fond de votre subconscient.
Et donc se risquer à raconter une histoire, c'est se risquer à décevoir, c'est ce risquer à être mal interpréter et c'est pour ça que certaines personnes font tout pour se définir un rôle pour se mettre à leurs avantages.

C'est le risque de chaque histoire, être mal comprise...
Et pourtant...

épilogue épierré

... il faut continuer de raconter des histoires !

Les histoires nous définissent.
Dans le roman de votre vie où vous passez par tous les états émotionnels existant, vous vous définissez en permanence.
Vous évoluez. Car les histoires servent à ça : à progresser. Je l'ai suffisamment dit sur ce blog...

Et il faut chercher dans tous les récits de notre vie (qu'on appelle souvenirs et qui sont de plus en plus imparfait avec le temps qui passe) la façon la plus objective de nous définir.

C'est ce que font les historiens au fur et à mesure d'analyser des fragments de notre passé. Ils recherchent l'objectivité.
Je ne pense pas, personnellement, que nous ayons encore besoin d'un récit historique allant des gaulois aux grandes guerres en passant par des rois chrétiens.
La France ne doit pas s'entêter à chercher des réponses actuelles dans les racines de notre histoire. Nous ne sommes pas gaulois, mais Germaniques par exemple. Mais nous avons "découvert" que nous étions Gaulois quand il fallait combattre l'Allemagne en 1870.
Nous sommes chrétiens depuis le IXeme siècles ce qui fait en gros depuis un peu moins de 2000 ans mais nous avons passé plus de temps à croire en plusieurs dieux cachés dans la nature car la France a été conquise par des homo sapiens il y a plus de 7000 ans ! Alors pourquoi décider que nous sommes plus chrétiens que... je sais pas moi, polythéiste ?

Nous avons fait du mal, je parlais de Napoléon, il a mis à genoux des territoires entiers mais nous pourrions aussi parler de ce que nous appelons notre puissance coloniale.
Nous avons soit-disant apporté l'éducation à des pays qui n'ont pas pu se développer à cause de notre écrasante domination !
Nous ne nous sommes jamais mis à la place de ces peuples que nous avons capturé, torturé, vendu.
Et c'est le dernier exemple que je prendrais.
Dans chaque histoire, il faut faire preuve d'une grande empathie.

Si quelqu'un vous raconte quelque chose, faites attention à ce qu'il dit, essayez de vous mettre à sa place, essayez de comprendre réellement son histoire.
C'est là tout l'enjeu.
Si tout le monde avait un peu d'empathie, les histoires seraient plus réelles.

Il y a mille et une façons de raconter une histoire, il y a mille et une façons d'écouter une histoire. Il n'y a pas de bons ou de mauvais conteurs. Et bien qu'il y ait des similitudes parfois, chaque histoire doit apporter son lot de connaissance.
Connaissance de soi, des autres, de l'Histoire avec un grand H. Encore une fois, chaque histoire fait progresser celui qui la raconte et celui qui l'écoute

C'est pour ça qu'il est important de se raconter des histoires, de développer son esprit critique envers ceux qui n'en voient qu'une et d'ouvrir son empathie pour tous ceux qui ont du mal à raconter leur histoire.
Les histoires sont faites par des gens différents qui ont chacun une bonne raison de les raconter ou d'y croire.
Il est important de chercher dans chaque histoire le chemin vers l'âme de son auteur.

Et si aujourd'hui certaines personnes veulent réécrire l'histoire de France dans l'optique de souder ceux qui y croient, ils finiront forcément par diviser tous ceux qui pensent que l'histoire nous apportent beaucoup mais qu'il faut, pour la comprendre, la contextualiser et éviter les raccourcis.

Prenez garde à ceux qui vous racontent des histoires en arguant que c'est la vérité.
La vérité n'a pas besoin d'eux pour exister.
Et le propre d'une histoire, c'est de tordre plus ou moins légèrement la réalité, pour raconter quelque chose d'inédit qui nous en dévoilera autant sur nous que sur ceux qui nous la racontent.

Prenez soin de vous.
Faites de beaux rêves !
A bientôt.

à suivre...

LA PAGE D'AVANT

Sommaire