myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
10/10/2019
nanofictions...
Comme je le disais la semaine dernière, les histoires peuvent être sujettes à une double interprétation. On croit toujours ce qu'on a envie de croire, on entend toujours ce qu'on a envie d'entendre, on voit toujours ce qu'on veut voir. En un mot, on comprend ce que l'on veut.
Si les mots sont importants. Les images sont bien plus percutantes. L'imagination composée de millions d'images emmagasinées. Un imagerie collective qu'on alimente tout au long de nos vies et qui constitue une bibliothèque mentale qui nous aide à comprendre comment le monde nous entoure.
Cette culture nous oriente.
Notre humeur nous oriente. Elle nous fait interpréter différemment les histoires que l'on entend.
Par exemple. En bad-mood, je pourrais mal comprendre mon patron, l'envoyer chier, en avoir marre. Mais si je fais attention aux mots qu'il choisit, si je reste alerte et que j'essaie de donner du sens à ses paroles, je peux peut-être plus facilement comprendre ce qu'il me veut me dire.
Mon patron reste flou, vague, il utilise beaucoup de phrases à double sens. Et c'est parfois assez chaotique. Mais il suffit d'essayer de positiver pour en tirer quelque chose d'optimiste...
Ce qui m'amène tout doucement vers le sujet du jour, les nanofictions, une forme d'art (ou de literrature) que j'adore autant que je déteste !
Vous voulez savoir pourquoi ? Forcément puisque vous continuez de me lire semaine après semaine. Je vais vous le dire.
"L'électricité n'est qu'un flux d'électrons, expliqua l'inventeur, et il y en a partout dans la matière. Ma batterie emprunte des électrons autour d'elle, et génère sa propre énergie !"
Les téléphones ne se déchargeaient plus, mais progressivement, les gens se désintegraient.
écrivait le 7 octobre @Nanofictions le compte twitter (slash livre) de Patrick Baud un type incroyablement curieux et étonnant.
Alors critiquons intelligemment cette oeuvre complète.
Déjà, Spoiler Alert, ça finit mal. Ensuite, ... et bien c'est ça le problème... Cette micronouvelle est trop sujette à interprétation.
Je me dis alors plusieurs choses. Premièrement, que l'Homme aujourd'hui cherche toujours par tous les moyens de plus en plus de trouver du WIFI et de recharger son portable. L'inventeur répond à un besoin compulsif de trouver à tout prix une source d'énergie pour ses "devices" comme on dit à la DSI, il suffit de voir les prises qui sont prises d'assaut (ah ah, jeu de mot - je suis drôle ce soir) dans les aéroports, les gares, les salles d'attentes.
Deuxièmement que l'Homme est donc prêt à tout pour recharger sa batterie dans son petit monde consummeriste où le besoin d'utiliser son portable est plus fort que tout.
On le change tous les ans quand un nouveau téléphone sort... On y est attaché. C'est parfois la première chose qu'on regarde le matin, la dernière chose qu'on regarde le soir. C'est un moyen de communication qui nous rapproche mais qui paradoxalement nous éloigne.
On peut se parler, se voir, se texter où que l'on soit et pourtant on raccroche, on bloque, on fait des tweets énigmatiques hors contexte et on se brouille.
Troisièmement, que l'homme est donc prêt à tout pour recharger son précieux comme dirait Soprano. Prêt à se désintégrer pour combler la seule faille de cette nouvelle technologie.
Quatrièmement la technologie qui nous avait élevés dans les étoiles, qui nous fait résoudre des problèmes complexes, qui nous a facilité la vie, finira par nous détruire.
Qu'est-ce qui nous détruira ? Notre volonté de ne plus regarder les étoiles ? Notre volonté d'en vouloir toujours plus ? Notre besoin de notre dose de téléphone...
Et voilà donc ce que je hais dans les nanofictions :
C'est à moi de faire le travail.
Et voilà ce que j'adore dans les nanofictions :
C'est à moi de faire le travail.
C'est mon imagination qui rempli les trous béants laissés par la micronouvelle. C'est une liberté que pourtant je ne suis pas sûr de vouloir. Je ne veux pas que l'auteur me prenne par la main, mais je veux quand même qu'il assume son message.
et les pubs !
Plus le message est court, plus le message doit être percutant. Il doit bien y avoir un juste milieu entre les phrases d'une page de Balzac et les Nanofictions ?
Ne pas trop en faire, laisser son style entre parenthèse, ne pas en ajouter... Ne pas écraser le lecteur avec sa technique. La simplicité est de mise mais jusqu'à quand peut-on simplifier ?
Et plus le message est court, plus il peut être sujet à interprétation.
Il faut alors être encore plus précis.
Et c'est pour ça que j'adore comme je hais les pubs !!
Les pubs sont les nanofictions ultimes. Elles sont calibrées, pensées, écrites pour être les plus simples et les plus percutantes possibles. Les marques utilisent les pubs comme seul vecteur pour passer un message (en gros le message est toujours le même : on est les meilleurs, achetez !)
Et j'adore les décortiquer et trouver un sens caché qui ne l'est peut-être même pas.
Prenons par exemple la pub de Numericable, une madame est en train d'embrasser un jeune homme alors que le mari rentre. Furieux il demande ce qui se passe et la femme répond : il installe la box, regarde y a les films de Sharon Stone. Et le mari tout content se pose à coté de sa femme et du gamin et ils regardent tous la télé.
Morale : numéricable c'est cool. Ce que je comprends : Numéricable c'est pour les cocus un peu cons.
Alors il y a des pubs cools, qui arrivent à raconter de vraies histoires. Les pubs Orange sont toujours très fun à regarder, avec un message. Le pubs de parfum sont incompréhensibles et les pubs méta sont bien entendues les meilleurs.
La pub Juvamine nouvelle génération qui se moque de l'ancienne pub par exemple (quand je dis ancienne, c'est la pub de mon enfance).
la pub patamilka qui fait référence à la première pub milka quand la marmotte mais le chocolat dans le papier d'alu ! (réplique devenue culte et intégrée complètement dans le langage populaire)...
Les pubs chocapic, quand on était gamin c'était un petit chien qui nous parlait, depuis qu'on est parent, c'est la maman qui parle à son gamin. Les pubs nutella qui ont grandi avec nous, dans les années 1990 c'était pour les enfants, dans les années 2000 c'était de jeunes adultes, dans les années 2010 des parents qui transmettaient.
Je suis un vrai fils de pub, j'ai grandi dans les années où la consommation était la norme, ou il n'y avait pas "manger bouger" en bas de l'écran, ou les caddies se remplissaient de manière chaotique à raz-bord !
Et aujourd'hui je tente d'atteindre la case CSP+ pour comprendre les pubs qu'on m'envoie avant chaque séance cinéma...
Et comme tout est sujet à compréhension, à interprétation, et bien j'aime bien chercher un sens caché, une consigne, un mauvais raccord. J'aime bien essayer de comprendre comment la pub a été faites, ce que les réalisateurs se sont dit, ce que les marques ont voulu faire...
épilogue, épitoge herminée
Je vais vous conseiller 99 FRANCS le livre et le film respectivement de et avec Frederic Beigbeder qui parle de pub et de drogue comme on parlerait d'art et de plante avec une bonne dose d'autodérision et aussi dans un univers méta, vous vous souvenez, je disais que tout était méta.
Un film dejanté que j'adore donc parce qu'il parle finalement de making-of et que j'aime bien voir comment les choses sont faites. Et ce film semble tellement gros, tellement exagéré que je me dis que sous ses airs grotesque il se rapproche drôlement de la réalité.
En plus y a Jean Dujardin dedans !!
Et ma conclusion dans tout ça ? Au moment où j'écris ces lignes, je n'en ai pas. Je me dis juste qu'elle viendra naturellement.
Reprenons, si tout est sujet à interprétation alors ce qui nous laisse le plus de liberté, les oeuvres courtes ou épurées sont celles qui ont le plus de chance de nous marquer puisqu'on devra faire l'effort de comprendre ce qu'on veut.
Les descriptions absentes de certains livres laissent place à l'imagination et à l'interprétation : saviez vous que les nains du Hobbit (Thorin Lécudechesne, Balin, Dwalin, Fili, Kili, Dori, Nori, Ori, Oin, Gloin, Bifur, Bofur, Bombur) ne sont décrits que très vaguement dans le livre de Tolkien et bien plus personnalisé chez Jackson.
Est-ce que les auteurs de nanofictions sont feignants ? Manquent de technique ? Ont juste envie de déposer une idée sans trop l'étaler ou la développer ? Peut-être cette idée ne nécessite pas plus d'ailleurs...
Je ne crois pas.
Est-ce qu'ils sont prétentieux au point de se dire qu'ils seront assez percutants pour faire passer un message complexe ou non, faire rêver ou non ? Est-ce qu'ils se croient supérieurs car ils pratiquent une forme plus pure d'écriture ? Loin des effets de style, des descriptions sans fin...
Je ne crois pas non plus.
Suis-je à leurs yeux lourd, jalou ou moi-même prétentieux ?
Et si c'était tout ça à la fois finalement ? Les nanofictions, les pubs, sont des histoires courtes qui ont plus de facilités à rester dans nos têtes. D'ailleurs on se souvient plus facilement de l'idée générale d'un film, d'un livre ou d'une réplique... D'ailleurs, je disais, la semaine dernière, que nos souvenirs pouvaient être biaisés par nos expériences et par notre mémoire.
Alors. Ont-ils tort ou raison ? Ces auteurs de nanofictions ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas du tout...
J'aime et je hais. Mitigé.
Si les bardes transmettent les histoires, doivent-ils être clairs et descriptifs ou doivent-ils nous laisser imaginer les détails ?
J'ai pas encore d'avis tranché, ça viendra peut-être plus tard.
Il n'est pas encore minuit, donc je ne te souhaiterai ton anniversaire demain.
De toute façon tu ne lis pas !
Faites de beaux rêves, s'ils piochent dans un imaginaire collectif et dans une imagerie commune, ils n'appartiennent qu'à vous...
...
Voilà, c'est ça que j'aurais dû écrire en rouge !
- Prétentieux...
- Ta gueule !
Bonne nuit !
à suivre...