myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

07/07/2021

touche pas à ma SF

Je disais récemment que Nolan faisait de l'anti-SF.
Il a le don de prendre un truc simple comme la relativité du temps (avec Interstellar) ou carrément le voyage dans le temps (avec Tenet) ou encore l'interprétation des rêves (Inception) et d'en faire un truc incompréhensible.
Et cette complexité, qu'il revendique, obligeant ses spectateurs à "subir" un second visionnage pour capter quelque chose qu'ils n'auraient pas saisi lors du premier (alors qu'en fait... bah non), est une chose effroyable surtout quand on s'attaque à ce genre polymorphe qu'est la SF !

La SF doit être claire car, que vous le vouliez ou non, c'est le genre qui fait rêver nos scientifiques, c'est le genre qui leur permet de conceptualiser une vision ou, au mieux, de la rendre "probable" pour les néophytes que nous sommes.
La SF nous permet de mieux appréhender certains concepts et même la science en général.
Parce qu'en SF tout semble possible même à une période où tout ne l'est peut-être pas encore.
Jules Vernes n'a pas connu de fusée ou de sous-marin, mais il me plait de penser que certains scientifiques ont peut-être été inspirés par ce genre d'oeuvre.

Alors je ne dis pas que Tintin a aidé les gars de la NASA (sinon ils auraient fait une fusée rouge et blanche), mais la SF a toute sa place auprès des scientifiques.
D'ailleurs, il serait bien inspiré de les laisser lire ou voir de la SF au lieu de leur demander de prouver que la terre est ronde à des abrutis finis qui, eux, n'ont jamais lu un livre.
Bref, même si certaines oeuvres de SF ne sont pas crédibles, qu'elles manquent parfois de réalisme, elles ont le mérite de faire un pas en direction du progrès !

Blague mise à part, ce n'est pas normal que des scientifiques perdent du temps à prouver que la terre n'est pas plate ou que des journalistes perdent du temps à démonter les fakenews, ces nouveaux métiers - les factcheckers - devraient être inutiles dans une société éclairée.
Problème, l'obscurantisme gagne du terrain et on donne du temps aux nuisibles (et croyez-moi en ce moment, c'est aussi ce que je fais au boulot).
En perdant du temps à débattre contre eux, en élevant leur parole au niveau de ceux qui savent, on leur donne de l'importance et, même si par miracle, on arrive à démonter tous leurs contre-vérités, elles auront été dites. Pire encore, ça ne changera pas leur conviction, leur ressenti
Et je vais, une fois n'est pas coutume, lire le message de mon chef à propos de cette conne qui me fait perdre mon temps : "elle est dans une posture, y a plus rien de factuel, je vais aller la voir avant vendredi" ce qui encore une fois lui donne une importance qu'elle ne devrait pas avoir.

Mais revenons-en à nos moutons (électriques - j'aime toutes celles et ceux qui comprennent la référence) et continuons de parler de SF avec la série Netflix : Nightflyers.

Nightflyers donc.

Commençons par spoiler cette bouse.
Nightflyers est l'adaptation d'une nouvelle de George RR Martin (oui le papa de Game of Thrones) qu'il a écrite dans les années 80 et qui a déjà eu une adaptation en film en 1987.
Mais comme personne n'en a entendu parlé avant et que depuis il est devenu l'auteur d'une des séries les plus chère et les plus suivie au monde, bah... comme on dit chez moi, tout est bon dans le cochon !
ça n'a rien à voir, mais avoir le papa de Game of Thrones sur une série typée "adulte" dans cette plateforme pour ado, on peut flairer le jackpot immédiat !

Mais en fait non !
Qu'on soit clair, c'est nase et pourtant j'ai été jusqu'au bout pour... Pfff, pour être sûr ? Parce que j'avais rien d'autre à foutre ? Parce que j'avais besoin de cracher sur une oeuvre ?
J'en sais rien. Mais laborieusement, j'ai regardé cette purge de 10 épisodes sans comprendre vraiment où la série voulait m'emmener.

L'histoire ?
En... dans le futur... un vaisseau spatial part vers... un autre truc... pour... J'en sais trop rien. Le résumé officiel de Netflix est : Alors que le sort de l'humanité est en jeu, un groupe de scientifiques et un télépathe embarquent dans un vaisseau aux mille secrets ; démerde toi avec ça.
Pour ce qui est de l'humanité, on comprend vaguement qu'il y a un virus sur Terre (c'est original ça) et qu'il faut aller chercher des réponses auprès d'un autre vaisseau (le Volcryn) qui... serait habité par une race alien qui contrôle l'espace et le temps ?
Quand je disais que la SF se devait d'être claire !

Déjà rien que pour les enjeux, on comprend rien, les personnages ne sont pas présentés parce qu'on veut qu'ils soient mystérieux et effrayants ou... cons.

Au début, on croit que c'est le vilain télépathe qui leur fait voir des choses horribles, mais finalement on se rend compte que c'est l'IA du vaisseau, la mère du capitaine qui en fait a transféré sa conscience dans un ordinateur après avoir créé un simili capitaine.
Puis y a le biologiste qui fait un bébé à celle qui s'occupe des ruches du vaisseau alors que le télépathe n'est pas si méchant et les aide à communiquer avec le vaisseau.
Y a aussi une humaine augmentée qui se connecte directement au Nightflyers avec des implants dans le bras (comme c'est une série Netflix elle est lesbienne mais c'est un détail dont on se fout - quoique à la fin elle est énervée que sa copine soit en fait bisexuelle).
Ah et la psy, c'est l'ex du scientifique en chef qui est... obsédé par le Volcryn et a une femme qui oublie littéralement sa fille morte et ça le rend triste parce que lui dans la boule à souvenir, il voit sa fille qui n'est pas si morte.
Y a un bébé mort aussi qui libère des spores qui contaminent des gens qu'on doit bruler vite et ça rend dingue le copain d'une des femmes infectées.
Et en fait à la fin le vaisseau on l'éteint et on le redémarre avec la geek connectée enfermée dans l'ordinateur qui a été possédée par l'IA et le télépathe lui parle à travers...

Vous l'avez compris ça n'a ni queue ni tête et c'est affligeant.
Je vois rien d'autre à dire c'est affligeant. ça mélange tout, ça ne s'intéresse pas aux personnages, ça se la joue : je suis mystérieux et flippant jusqu'à se trancher la gorge parce qu'on a peur du mec qui a perdu sa femme et sa fille et qui se croit dans Shining (un Shining de chez Lidl, hein, même si je trouve que c'est le seul acteur qui joue bien).

Alors faire une série basée sur des personnages de George RR Martin qui se fout de ses personnages, on a déjà vu, ça s'appelle Game of Thrones, mais je m'attendais pas à ce qu'on s'en foute autant en fait.
C'est hallucinant.
Alors je n'ai pas vu le matériel de base, la nouvelle qu'il a écrite, mais je suis sûr qu'il ne se foutait pas autant de ses personnages.
On n'a aucune empathie, pour personne, jamais, on se fout de tout ce qui se passe dans cette histoire et elle n'apporte rien, ni à la psychologie, ni à la science, ni à la SF.
Et je ne pense pas que l'auteur a la base ait écrit autant de trucs débiles.

à vérifier donc, mais le problème vient d'ailleurs.
Enfin le vrai problème est plus alarmant.
Y a tout. Y a tout dans cette série et c'est trop, trop de tout et la SF prend encore du plomb dans l'aile.

est-ce que tout a été dit ?

Y a tout disais-je ?
Dans mon résumé, vous l'avez compris, y a tout :
des biologistes obsédés, une maladie pulmonaire, un télépathe, un fantôme, une IA folle, une geek qui se branche comme dans... brrr ça me fait mal de comparer, Matrix, de l'inclusion (encore une fois j'ai rien contre l'inclusion mais le cahier des charges est déjà bien chargé non), des robots, des cyborgs, une sorte d'alien qui en fait est un test génétique pour faire revivre la première capitaine du vaisseau (aujourd'hui devenu IA maléfique), du sexe, des tromperies, une intrigue avec le vice capitaine, des abeilles, une traque de fugitif... y a aussi un voyage dans le temps, une société féminine ou les hommes sont traits (ça a l'air de faire mal parce qu'elles ne veulent même pas les traire à la main - regarde appuyé) pour fabriquer des clones pour les manger, une panne de réacteur, un cyborg, une généticienne folle qui a crée une être exceptionnel qui est en fait la soeur de la capitaine (et ils ont couché ensemble ! l'inseste et Martin...) et la meuf qui reste sur terre qui se fait enlever tous les souvenirs de sa fille morte et qui plong notre scientifique en chef dans la dépression parce que lui ne veut pas oublier (Rendez-vous à Montauk)...
Et j'en oublie probablement tellement ça m'a gavé, mais vraiment !

Ah ! Tu aimes la SF, tiens je vais te mettre tout ce qui s'est fait en SF ces 50 dernières années ! Y aura de "l'horreur", de la "psychologie", de la "folie" et youpi (remarquez mes guillemets).
Je vais te gaver de SF qu'à la fin tu sauras même plus ce que tu viens de regarder. Je vais te prendre 10h de ton temps que tu ne reverras jamais pour te donner une overdose de cliché et de trucs inutiles.

Mais pourquoi putain ?
Pourquoi ? Sans rire, pourquoi vous avez fait ça ?
Parce que vous n'aviez pas d'idée alors vous avez rempli artificiellement le film de conneries qu'on va oublier aussitôt.
Parce que vous vous adressez à un public de zappeurs compulsifs (et je ne critique pas j'en suis un aussi y a pas de honte) qui veut un truc chaque seconde ?
Parce que vous ne saviez pas comment remplir 10 épisodes avec une nouvelle de 150 pages ?

Je n'imagine même pas les briefs de scénaristes :
Oh ! La regardez ! le télépathe s'est fait un groupe d'amis, ils jouent à la roulette russe pour de faux ! Wouah le concept !
Attends, tu m'as mis l'apicultrice qui est entourée d'abeilles sans protection.
Son veuf il pourrait lécher son miel ?
Et si en fait l'IA c'était deux esprits enfermés dans un ordinateur, elle pourrait prendre possession de la geek lesbienne !
Attendez les gars on peut pas tout mettre !
Netflix : "SI"

Une fois encore on est face à un truc incompréhensible qui ne fait avancer ni la SF, ni le cinéma (ou la télé), ni l'image qu'on pourrait avoir de Netflix.
Vous savez quoi, ce film m'a donné envie de revoir Event Horizon un film fort symathique avec ce bon vieux Alan Grant (Sam Neill) réalisé par Paul W. S. Anderson (donc ça lui arrive de faire des trucs sympa).

Quand je dis que le film est sympathique, c'est que j'ai bien aimé, mais qu'il m'a traumatisé et que je ne l'ai plus jamais revu alors imaginez un peu l'effet néfaste de Nightflyers !

La SF n'a pas besoin d'être aussi tape-à-l'oeil ! Et ce n'est pas chiant, quoiqu'en dise les producteurs, d'enfermer des gens différents dans une pièce et de les voir réagir entre eux (Huis-Clos de Sartre et Cube de Natali nous l'ont déjà prouvé).
On voit bien que les auteurs se foutent royalement de ce qu'est le volcryn, ce fameux vaisseau qu'on chasse tout au long de la série, ils ont bien compris que le plus important dans un voyage c'est... le voyage.
Quand Ulysse revient en vieillard et que Pénelope ne le reconnait pas, on sait que le plus important c'est le voyage et que la dernière vacherie d'Athena n'est qu'un contre-temps. Ce qui compte c'est le voyage, c'est l'épopée, l'odyssée dira-t-on même en référence au héros grec.

épilogue, épigone

Nightflyers est une mauvaise série.
C'est indéniable.
Au mieux, elle est maladroite, veut essayer de bien faire mais s'embourbe dans ses effets d'annonce et ce qu'elle veut dire.
Au pire c'est une farce cynique et sinistre de producteurs qui veulent faire du clic sur un nom et un genre sans les comprendre ni l'un ni l'autre.

Netflix fait généralement quelque chose de bien. Ils produisent, ils produisent de tout et rapidement. Il cherche ce qui va plaire, certes, mais font en sorte de laisser la main aux auteurs pour faire ce qu'ils veulent.
Ainsi pour plaire au plus grand nombre, ils produisent des séries locales à l'international pour toucher un maximum d'auteurs et de spectateur.
On ne peut pas leur reprocher de faire feu de tout bois. Leur contenu c'est leur argent, faut aller vite et faire un maximum.

Et quand on fait vite, on peut pas toujours faire bien...
La plupart du temps ils s'en sortent (notamment pour leur public cible duquel je m'éloigne d'année en année) mais parfois, ils s'écrasent.
Mais c'est pas grave : vite regarde Another Life ! Ou Sweet Tooth ! Tu oublieras bien vite la mauvaise expérience de ta dernière bouse...

C'est mathématique, il y a forcément un truc qui va te plaire dans leur catalogue. Tu ne sais pas quoi encore, mais eux, via la puissance de leurs algo, le savent et se tromperont de moins en moins avec le temps (en fonction des pouces en haut ou en bas après tes visions)

Vous savez comment ils ont créé House of Cards leur première série ? En nous donnant ce qu'on voulait voir, un méchant magouilleur joué par Kevin Spacey et sous la caméra de David Fincher. C'était un carton assuré !

Je me suis un peu éloigné de mon propos premier. La SF.
Si la SF doit faire fantasmer, elle ne doit pas être un prétexte fourre-tout pour nous prendre notre argent.
La SF doit nous faire évoluer, doit nous questionner sur le monde d'aujourd'hui.
La SF doit faire passer des messages.
Des messages qu'on ne comprend pas puisque la SF nous a pondu toute sorte de monde post-apocalyptique (Mad Max, Blade Runner, ...) ou d'autres où les robots règnent en maitre (Matrix, Terminator, ...) et nous y allons tout droit quand même.

Remettons la SF au centre de nos attentions, c'est par là qu'on continuera d'apprendre à décrypter la science et les conséquences de nos actes. La SF est le meilleur moyen (après l'école) d'apprendre le monde et les technologies.
Ah ! Et c'est aussi un bon moyen de s'éclater (on rappelle que le F c'est pour Fiction !).

On évolue aussi vite que notre imagination le permet. On évolue aussi vite que nos idées traversent nos esprits. La SF nous aide à avancer. Ce genre ne doit pas devenir la copie d'une copie d'une copie de concepts éculés sans créativité.

Appréhender l'imaginaire pour mieux comprendre le monde. C'est le boulot de chaque barde sur cette planète. Faire passer des messages pour nous faire avancer.
Messieurs... à vos stylos !
Et par pitié, ne faits jamais de saison 2 à Nightflyers !

Portez-vous bien !
A bientôt

addendum

Bon, suivant les bons conseils de Netflix, j'ai commencé Another Life... Hé ben c'est pas gagné du tout !
Au contraire ça pue presque encore plus !
Et comme je ne vais pas passer mon temps à critiquer les séries spatiales, j'édite mon dernier article.

Je crois que les séries spatiales, ça ne marchera pas si Netflix s'entête à garder ce format de 10 épisodes de 45 minutes.
En fait, ça ne marche pas car les séries sont trop courtes. On acceptait avant, dans les épopées galactiques, un nombre colossal d'épisodes différents (et donc de concepts différents) car les séries étaient longues et se devaient de se renouveler sans cesse.
Dans Star Trek, ou Stargate SG1, par exemple, il y avait 22 épisodes d'une heure. Ce qui obligeait les scénaristes à inventer de nouvelles menaces pour proposer quelque chose de plus neuf, de "jamais vu".
Ainsi dans Stargate on avait une quantité de mondes et d'épisodes différents pour que les scénaristes s'amusent sans devenir incohérents.
Et il pouvait y avoir toute sorte de choses à raconter, l'approche d'un trou noir et donc la distorsion du temps, les réplicateurs, les Goa'uld qui ont construit des pyramides, une race d'alien que les nordiques ont pris pour des dieux, les boucles temporelles (meilleur épisode), le voyage dans le temps, les paradoxes etc, les virus (apportés par les explorateurs). Tout restait cohérent dans la diégèse puisque l'univers est vaste et la série pouvait prendre son temps.

En plus il fallait regarder un peu toutes les semaines et on se demandait quelle créature l'équipe du colonel O'Neill (avec 2 L) allait bien pouvoir affronter.
Pour le coup le binge watchin' de Another Life, Nightflyers et d'autres j'imagine n'aide pas ! On entasse tout très vite, on se dit "bah dans l'espace tout est possible non ?" et on ne prend pas le temps d'avoir une diégèse cohérente, on mélange tout ce qu'on pioche dans la SF et on le vomit aux visages de ces ados qui regardent Netflix.

Et puis un truc, juste un dernier truc.
Après je vous embête plus !
Pouvez-vous, s'il vous plait, arrêter d'enlever vos casques dès qu'il y a un peu d'oxygène sur une planète ?! Putain les gars...
Vous êtes des scientifiques !! Alors des scientifiques jeunes hein, parce qu'il faut que le casting ressemble à ceux et celles qui regardent - et d'ailleurs l'excuse pour avoir que des scientifiques qui n'ont pas eu le temps d'avoir de doctorat est MINABLE !
Mais merde !
Vous savez que l'air peut ne pas contenir que des gaz ! Vous connaissez normalement un peu les spores, les virus... "Oh y a de l'oxygène c'est cool enlevons nos casques..."
Putain mais vous l'avez déjà fait dans Covenant !

Voyez la SF devrait servir à ça ! Même le plus con des mecs qui débarque sur une planète viable devrait se dire "gars, garde ton casque, t'as jamais vu Alien ?"
"On devrait peut-être respecter une quarantaine avec ce truc qu'on ramène dans le vaisseau."
La SF vous a prévenu ! BORDEL !

Alors, par pitié, si vous êtes scientifique, regardez de la SF ! Et si vous ne l'êtes pas... REGARDEZ DE LA SF !!
Et d'autres trucs aussi, hein.
Mais la SF c'est essentiel !

à suivre...

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