myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

19/05/2021

transmission

Que doit-on transmettre ? Comment le transmettre ? à qui le transmettre ?
Je parlais la dernière fois (tout est lié) de mes doutes concernant ma propre naissance ou plutôt des doutes concernant la naissance de mon existence.
Si j'existe tel que je suis aujourd'hui c'est parce qu'à un moment donné (à plusieurs moments donnés) quelqu'un quelque part m'a transmis quelque chose.

En premier lieu, j'ai toutes les caractéristiques de mon espèce.
Depuis des milliers d'années, les hasards de la nature nous ont doté de gènes qui encore aujourd'hui nous ont permis d'être l'espèce dominante de la planète. Je communique, je marche debout, mon corps est adapté aux conditions climatiques de ma planètes (pour le moment en tout cas). Le fait que de lointains ancêtres aient frotté des cailloux et taillé des pierres nous a conduit ici et maintenant.
Je suis donc, tout comme vous, en premier lieu, le produit d'une évolution constante et d'une adaptation spécifique de la race humaine dans ce monde.

Mais s'il est inscrit dans mes gènes que je saurais marché debout et que je saurais moduler des sons pour former des mots, il est bien évident que ces fonctions primaires ont été développé avec l'aide de mes parents qui m'ont forcément appris à marcher, à parler et, en allant plus loin - mais j'y reviendrais - à découvrir le monde...

Mes parents donc qui m'ont élevé, éduqué sachant les enjeux à faire de moi quelqu'un de stable et d'équilibré.
Mes parents m'ont transmis toutes ces connaissances qui me sont utiles tous les jours dans ce monde. Connaissance qu'ils ont eux-mêmes adapté par rapport à leur propre éducation et qu'ils ont du confronter, comme tous les parents font en fonction de leur propre ressenti sur ce qu'ils avaient appris avec leur parents respectifs.
Lorsqu'on élève un enfant, deux adultes font chacun des concessions pour essayer d'offrir ce que chacun pense être le mieux.

Mais au-delà de ces quelques connaissances basiques, s'ajoutent alors la compréhension de l'enfant lui-même, l'interprétation qu'il ou elle fait des concepts transmis (savoir, culture, politesse, etc.)
Puis de l'expérience "terrain" comme diraient mes collègues : un escargot, ça ne se mange pas cru en plus les bouts de coquilles grattent la gorge.

Les influences des parents se confrontent peu à peu au monde eux-même ayant digéré les transmissions de leur propres parents et ainsi de suite.
Nous ne sommes jamais né c'était la conclusion de mon dernier article que je vous invite à relire (en plus j'ai corrigé quelques fautes) je ne vais pas tout redévelopper.

vient le temps des connaissances

Ensuite, on nous apprend la langue, l'histoire, les sciences...
On nous transmet les clés pour mieux comprendre le monde qui nous entoure. On nous apporte une base commune qui nous permet de devenir un groupe social à part entière.
On se compare forcément, aux autres à l'image que se font les autres de nous.
Le monde change. Le prisme par lequel nos parents le voyaient est légèrement différent : moins poli plus affuté. Non parce qu'ils ne le comprenaient pas mais parce qu'ils le comprenaient légèrement différemment.
On nous transmet des courants de pensées, des habitudes, des techniques aussi.
Des techniques qui changent, qu'on nous demande de changer, de "revisiter" par exemple.

La transmission devient un parcours initiatique dans lequel on nous demande de nous révéler.
Tout va très vite, en quelques années à peine on doit devenir quelqu'un, on doit s'adapter aux autres et aux mondes et s'il est facile de faire des raccourcis, pas après pas on copie, on adapte.
Ce sont les autres qui nous transmette leurs habitudes, leurs gout leur passion...

Puis on nous transmet l'amour enfin ce qu'on pense être de l'amour.
Balayé par de véritables sentiments, des émotions fortes transmises de caresses en baiser, peau à peau coeur contre coeur, nous apprenons encore à reconnaitre une simple envie d'une véritable passion.
Nous nous regroupons alors en groupes plus ou moins uniformes, et jusque dans des bulles internet qui sont soient bénéfiques soit extrêmement dangereux.

La transmission va de plus en plus vite.
Pour le meilleur : il est facile de dire je t'aime (en 3 lettres ou avec un petit coeur)
Et pour le pire : une rumeur ou un mensonge se répand de plus en plus vite et la vérité (celle qui n'a pas besoin d'histoire rappelez-vous) tarde à exister.
Parce que la vérité est plus complexe et ignore les raccourcis. Elle nécessite du temps pour être transmise en détail ce qui oblige parfois à vulgariser et à la parer des artifices du mensonge.

Peu importe finalement, l'important c'est de transmettre, parce que transmettre c'est interagir avec son prochain.
On peut transmettre des pensées, des réflexions, des émotions, on peut transmettre un peu de soi-même et parfois on transmet beaucoup d'emmerdes c'est bien comme ça. C'est bien d'être entier.

Vient ensuite le monde pratique où il faut désormais transmettre à quelqu'un d'autre un savoir-faire, un savoir-être et je rajoute souvent le savoir paraitre.
On récupère encore des caractéristiques chez des collègues, on essaie d'être juste, loyal envers son entreprise, ses collègues, sa profession (rayez la mention inutile si vous le voulez).
On récupère ce qu'il faut pour être utile comme on le veut.
Nous devenons peu à peu ce qu'on attend de nous.

Toutes ces transmissions, ces habitudes, ces connaissances datent de la nuit des temps, de l'expérience de tous ceux qui nous entourent.
Toutes ces histoires qu'on se raconte à soi-même ou aux autres sont autant de transmissions qu'on donne ou qu'on récupère avec plus ou moins d'interprétation.

difficulté

Je ne répèterai pas à quelle point je suis terrifié à l'idée de ce que je vais transmettre, je l'ai fait dans le dernier article.
Mais qui ne serait pas terrifié par la tache qui nous incombe ?
Comment bien transmettre la montagne de connaissance et de savoirs venant de mes ancêtres. Comment transmettre en interprétant du mieux possible, en prenant en compte les évolutions et les aspirations de chacun.

Il est si difficile de transmettre car il est parfois difficile de se faire comprendre. Et les aspirations que j'ai ne doivent pas devenir celles que je transmets.
Et si j'avais fait fausse route ? Comment être sûr que je fais au mieux pour donner du sens ? Dois-je convaincre, persuader, prouver ?
Comment éviter de décevoir ?

C'est pour ça que l'humanité a inventé les histoires. C'est pour ça que l'humanité à commencer à imaginer des choses qui n'existaient que dans les esprits...
Chaque histoire mérite d'être racontée. Chaque histoire doit être transmise. Les plus petites peuvent être oubliée, ne toucheront peut-être qu'une personne ou deux, les grandes deviennent des légendes pleines d'enseignements et de sens.
Plus ça va, plus je me rends compte de la puissance d'un film comme Big Fish.

Pour ceux ou celles qui ne l'auraient pas vu - sérieux ? - Tim Burton (ayant perdu son père récemment) livre un film poétique (mais toujours un peu bizarre, ça reste Burton) sur l'histoire d'un fils qui se rend au chevet de son père mourant.
Alors que le fils très cartésien s'est éloigné, désabusé, de son père qu'il prend clairement pour un mythomane, il est obligé de renouer avec la biographie fantaisiste de son père en train de mourir. Il n'arrive pas à discerner la vérité de l'exagération (car oui il ne s'agit finalement pas d'un mensonge) de la légende paternelle et en veut à son père en lui reprochant de ne pas le connaitre.
On va donc suivre le fils et l'histoire de la vie du père telle qu'elle a toujours été présentée.
L'intrigue n'est pas important pour mon propos disons tout simplement que le fils finit par comprendre que la vérité n'est pas spécialement la chose la plus importante tant le conte, la légende, est tout aussi révélatrice de la vie du père.

Tim Burton livre alors un film moins sombre, plus poétique et plus essentiel.

L'histoire seule est importante.
L'histoire seule doit être transmise.
C'est d'autant plus vrai que les souvenirs sont de plus en plus imparfait, les connaissances de mieux en mieux analysées et l'histoire contextualisée.
Bref nous ne transmettrons à nos enfants qu'une version biaisée de notre expérience et c'est là que va commencé ma conclusion.

épilogue, épistémè

Une fois encore, je vais m'appuyer sur le "mot commençant par épi" de la fin.
Comme à chaque fois (ou presque) ce mot je le trouve en ouvrant un dictionnaire et je lis les définitions que j'ai sous les yeux.
De ce que j'ai compris, parce que la définition m'a obligé à chercher un peu plus loin, pour Michel Foucault, l'épistémè c'est le rapport entre les sciences et "les conditions de leur possibilité" en gros il faut replacer la science dans le prisme de l'époque, des conditions etc...

Si je n'ai pas bien saisi, éclairez-moi dans les commentaires.
(toujours pas de commentaires ?)

Bref, il faut replacer une histoire dans son Histoire pour connaitre le fin mot... de l'histoire.
Essayez de comprendre les enjeux pour chaque personne (ou personnage) impliquée, se mettre dans les meilleuers conditions d'écoute et de compréhension, envisager toutes les possibilités (dont d'éventuelles manipulation).
Un lecteur/auditeur/spectateur ne peut en aucun cas rester passif !

Et c'est peut-être par là qu'il faut commencer lorsque nous voulons enfin transmettre !
Quelque soit ce que nous voulons léguer, il faut commencer par expliciter simplement une condition : tout ce que j'écris, tout ce que je dis, n'est qu'une partie de la vérité et c'est à toi qui lis ou écoutes d'aller remplir les cases que j'ai laissé vides.

Tout le monde a quelque chose à transmettre, une connaissance, une formation, une éducation, une légende, un simple conte, tout le monde à toujours quelque chose à raconter. Et c'est tant mieux.
Mais ce n'est pas pour ça qu'il faut rester passif au contraire. Si le barde doit rester faire en sorte d'être compris, c'est son rôle, c'est sa force, c'est son contrat si vous préférez. En échange, le spectateur se charge de remplir les non-dits avec son propre vécu, sa propre imagination...

J'espère être un bon conteur, un bon pédagogue, un bon père...
Mais je vais devoir continuer d'espérer car seul l'avenir me le dira.

Raconter des histoires...
Ce que nous devons faire de mieux.

A bientôt
Faites-vous vacciner qu'on tourne la page.
Et buvez à la santé de l'humanité si vous êtes en terrasse.

Portez-vous bien !

à suivre...

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