myrzouick
écrire, scénariser et mourir vite...
09/11/2020
Mc Baguette
Où l'exception française...
C'est par l'exception qu'on avance mais avant de balancer cette conclusion hative, je voudrais vous raconter, une fois n'est pas coutume, ce qui m'est arrivé aujourd'hui.
Je suis un privilégié, je travaille presque tout le temps en TAD.
Je travaille, vous avez fini par le savoir, dans la grande distribution, et alors que mes collègues essentielles, que j'ai lâchement abandonnée quand je suis monté au siège, choppent le Covid-19, se battent pour que les clients ne passent pas en caisse de produits non-essentiel dont la liste change tous les jours (voire plus - depuis mardi dernier on en est à la v12) et se font engueulées comme avant, je reste chez moi.
Tantôt support, tantôt psychologue, tantôt contrôleur, je passe mes journées dans mon lit où sur la table de ma cuisine entre conférences téléphoniques, appels aux magasins, prises de rendez-vous.
Bon après, je ne dis pas non plus que le télétravail, c'est facile, on ne coupe jamais vraiment, la cuisine et mon lit sont des bureaux.
Et comme je n'ai pas de temps de trajet, les 2-3 heures que je passais jadis dans ma voiture à aller au travail dans des bouchons de plus en plus effroyables, se transforment en heure travaillée.
Alors oui, il m'arrive de faire mes tableaux excel devant une série sur Netflix, Amazon, OCS ou Canal, mais ma journée de travail ne s'arrête pas.
- Tu vas nous sortir l'argument de droite qui dit qu'une hôtesse de caisse n'emmène jamais de travail chez elle ?
- Mais pas du tout ! T'es qui toi pour me juger ?
- Toi.
- Toi quoi ?
- Je suis toi...
- ...
- ...
- Au temps pour moi.
Je bosse donc, enfin j'essaie, du mieux possible mais aujourd'hui, je devais aller mettre mes costumes au pressing.
Oui parce que quand je suis chez moi caleçon et Tshirt suffisent mais quand je me déplace (lundi dernier à Brest par exemple, jeudi à Oyonnax et mercredi prochain à Lannemezan, comme ça vous savez tout), je porte un costume, ou un petit veston, bref, je m'habille pour l'occasion.
Donc je vais au pressing (ouvert jusqu'à 15h) et comme il est presque 14h lorsque j'ai déposé (en respectant les distances) mes habits je décide de manger.
Ce que je fais rarement le midi, je l'avoue, mais que j'ai une passion secrète pour la chaine Pomme de Pain et leurs sandwichs.
Il se trouve qu'un des restaurants se trouve dans la même galerie marchande que le pressing, j'y vais.
Et patatra c'est fermé.
Je n'aurai donc pas de sandwich...
Mc Drive
J'étais passé devant en voiture, il y avait du monde, mais lorsque je suis repassé devant le McDonald, personne n'attendait.
Je m'étais mis l'eau à la bouche tout seul et j'ai donc décidé de me faire comme on dit dans le jargon "un petit McDo".
Déjà parce que Burger King nous avait dit de le faire il y a une semaine c'est ici pour ceux qui l'auraient loupé et puis parce que bien que je sache toute la merde qu'ils foutent dans leur burger, un McDo ça reste un McDo et on connait le goût du truc et puis merde c'est pas parce que je mange mcdo de temps en temps que je ne vais pas apprécier des vrais repas de vrais chefs, d'amis ou de la famille !
PAR EXEMPLE EN MANGEANT LA ! Allez-y commandez ! Achetez des conserves ou des plats à emporter...
tiens, je me ferai bien une petite volaille farcie au foie gras demain.
Mangez Entre les deux !
Au delà de ce coup de com', Burger King fait quelque chose de bien qu'on se le dise.
En disant d'aller chez McDo alors qu'on sait que les deux enseignes se tirent à balle réelle à chaque occasion, il porte un message fort qui peut être entendu par celles et ceux qui fréquentent ces chaines.
Le message est beau, ça reste de la communication, mais quand on connait le contexte, on ne peut pas reprocher à ces "faux restaurants" comme qui dirait l'autre de ne pas jouer le jeu.
Je nuancerai ne vous en faites pas lors de ma conclusion.
Donc j'arrive au Mc Drive, non parce que y a une morale dans cette histoire donc si je me perds en digression on ne va pas y arriver !
Je commande "as usual" comme on dit dans le jargon toujours, c'est à dire un 280 (le moins pire de tous les burgers), des nuggets et un double cheese (qui a ce gout de mcdo qu'on aime ou pas mais caractéristique).
Tooeyne dirait que c'est l'équivalent d'aller voir un Marvel et pourquoi pas.
Mais là.
Patatra !
Il n'y a ni 280, ni CBO, ni gamme royal.
WHAT ! THE ! FUCK !
Le McDo est en rupture de tout ce qui est bon pour une raison qu'on ignore. Quand même être en rupture de tout à la fois c'est bizarre non. ça veut dire qu'il n'y a pas la sauce (toute faite), les steaks (tout congelé), les buns carré du 280 ?
C'est pas comme le restaurateur qui au service du midi se fait rafler tout le boeuf et doit pour le soir proposer plus de poisson.
Vous êtes une chaine quand même. C'est normal d'être en rupture, mais pas de tout, ça arrive pas normalement.
Devant mon hésitation, la fille au drive-in me dit : "Mais ne vous inquiétez pas, c'est que aujourd'hui, demain il y aura tout !"
Ouais mais là je mange McDo par impulsion, pas parce que ça me plait particulièrement.
"Sinon, on a le nouveau : la McBaguette !"
AH !
faites le Ah à la Denis Brognard sinon ça n'a aucun intérêt
Spécificité française
Revenons en arrière, il y a maintenant 21 ans, en 1999, une toute autre époque, José Bové démonte le McDo de Millau une vidéo INA.
Ils sont plusieurs laitiers à le démonté pour protester à la base contre une taxe sur le Roquefort au Etats Unis.
Y a des choses qui changent pas, les USA taxent ce qu'il veulent pour faire accepter leur marché à eux.
Et c'est pas prêt de changer.
Mais pour McDo, cela a eu un tout autre effet.
La France ne veut plus de malbouffe.
Les franchisés (au passage dans une sombre affaire d'harcèlement moral et sexuel, en ce moment) ne pourront pas s'installer partout en France et conquérir les marché français sans un peu de changement...
McDo joue alors la carte du changement et peu à peu la malbouffe pour obèse laisse place à un restaurant "typique" qui propose des burgers locaux, du service à table, et surtout des produits régionaux.
Ainsi McDo devient rapidement le premier acheteur de viande charolaise, le premier vendeur de viande hachée, des fruits dans les happy meal, les burgers végétariens, je vous laisse lire un bon article de LSA qui parle de toutes ces transformations.
Alors c'est de l'opportunisme, faut pas se leurrer, acheter local c'est acheter moins cher. Faire du végétarien c'est capter... bah des végétariens, mettre des fruits dans le happy meal c'est s'acheter une conscience et, quelque part, mine de rien, réduire la mal-bouffe.
Même le logo a changé. McDo c'est un grand M jaune oui, mais sur un fond vert et non plus sur un fond rouge, parce que le vert c'est plus bio !
Et ils en font aussi du bio.
Et toute leur campagne markéting bien huilée, si bien huilée qu'elle peut rentrer n'importe où, arrive à nous convaincre que McDo est un acteur de l'économie française ("plus de 70% des français nous voit comme une entreprise qui contribue à l'économie nationale" se félicitait le PDG il y a 3 ans).
Si bien que même José Bové doit bien l'avouer aujourd'hui, il a obligé McDo à se transformer !
McDo a travaillé et est devenu un restaurant français calquant son fonctionnement sur les habitudes des français. Et oubliant le Fast-food !
Et pourquoi on aime ?
Je citerais François Simon (critique culinaire) : "il y a un crétin en moi qui aime ça et que je dois nourrir"
A voir dans un documentaire ARTE de 2010 résume bien la situation : McDo, Une Passion Française (vous pouvez voir un extrait ici)
McDo a fini par gagner.
Il s'est francisé, il a muté.
Et aujourd'hui la France est le grand pays du McDonald et José Bové est pessimiste
Et on ne peut pas lui donner tort, lui qui se battait à cette époque contre la malbouffe se retrouve face à un géant qui a récupéré une partie de ses revendication et communique dessus.
Aujourd'hui, il continue de se battre contre l'industrialisation de l'agriculture mais force est de constatée que dans les faits, il a perdu la première manche (un article du figaro et ce sera la dernière fois que je cite ce journal !)
Et la dernière pierre de cette transformation c'est, vous l'aurez compris, cette fameuse nouveauté : la Mc Baguette !
Que j'ai donc commandée...
et là, c'est le drame
La Mc Baguette, comme le Royal Deluxe en son temps (Royal à cause du système métrique, regardez Pulp Fiction !), est la dernière spécificité française en date ! Et, à l'instar du Royal Deluxe, elle s'accommode d'une sauce moutarde.
Alors oui, on est loin de la sauce moutarde de mon frère, ça je n'en doute pas mais c'est pas là où je voulais en venir. Entre les deux !
Je rentre chez moi et je commence donc à manger mon McBaguette.
Important pour la suite de l'histoire : j'avais aussi pris un double cheese et des nuggets et un fanta, et des potatoes avec la sauce creamy que vous devez certainement connaître.
Je commence donc par la Mc Baguette et là, c'est le drame :
Tout les à cotés deviennent mauvais.
Je ne mange pas McDo.
J'ai du pain (pas le meilleur qui existe mais du vrai pain), du steak, de la sauce moutarde sans additif comme sa cousine du deluxe et de l'emmental (bon l'emmental qu'on trouve déjà sous vide et en tranche mais qui a le gout d'emmental).
Tout a du gout, du gout industriel que ne supporte pas José, mais du gout quand même...
Mais surtout pas du gout MCDO !
Ce qui a rendu tous les à cotés horribles en bouche. La sauce creamy était dégueulasse, le fanta trop sucré, la sauce barbecue une horreur indescriptible et le double cheese pour finir un violent retour en arrière dans des gouts calibrés, testés et approuvés dans le monde entier.
La McBaguette, l'exception française, avec ses produits d'une qualité médiocre a balayé en quelques bouchées la standardisation du McDo.
Comment le clown Ronald peut proposer un tel sandwich dans son menu ?
Un sandwich, qui loin d'être le meilleur sandwich que j'ai mangé (très loin), n'a rien à voir avec McDo et s'accommoderait mieux avec quelques pomme dauphine et un verre de vin blanc.
La McBaguette est ce qu'il y a de pire chez McDo parce qu'elle est ce qu'il y a de meilleur.
Je ne sais pas si c'est moi où si vous aurez la même sensation, mais je ne me suis jamais senti autant en décalage en mangeant mes potatoes et ma McBaguette.
j'ai aimé et j'ai détesté ce repas. J'ai aimé détester et j'ai détesté aimer comme toujours avec McDonald's, mais pour finir paradoxalement, je pense que ce genre de sandwich est la pire et la meilleure idée qu'a eu McDonald's cette année...
épilogue, épidictique
En venant écrire tout ça ce soir (et il me reste 6 minutes pour que je n'ai pas besoin de changer la date en haut), je ne voulais pas faire l'éloge de McDo, je pense que tous ceux qui y vont savent ce qu'ils vont y trouver quelque soit le pays ou la region : le wifi !
Je plaisante.
Avec 12% de part de marché sur la restauration en France McDo est le Amazon des restaurants, une position dominant indispensable pour certains, diabolique pour les autres (d'ailleurs en y réfléchissant c'est plutôt Amazon qui est le McDo du commerce).
Mais on sait exactement ce qu'on y trouve, ce qu'on y aime (non sans déconné y a qui prennent des filet'o'fish ?) et on sait exactement à quoi s'attendre.
McDo c'est la normalisation, l'industrialisation avec tout ce que ça comporte de bons et de moins bons cotés.
Mais je suppose que les agriculteurs sous contrats avec McDo (qui vendent boeuf et patate) s'en sortent bien et n'ont pas à se plaindre (si oui, manifestez-vous).
Le géant américain, mais "so french" ici, a de nombreux défauts : censure d'article, pratiques managériales sexistes, harassantes, système de franchise qui permet au grands patrons de ne jamais être inquiétés et ils ont certainement un peu d'argent blanchi dans des paradis fiscaux...
Et cela lui permets de tout tester, de tout essayer.
Cette McBaguette, cette dernière exception française, qui existe déjà dans les Pomme de Pain, soit dit au passage, m'a amené à une réflexion que j'avais amorcé précédemment avec Netflix.
Ce qui fait la force d'un concept, d'une idée, d'une production, c'est son authenticité.
Et c'est par les exceptions, qu'on avance.
Lorsque tout est normalisé, cadré, banalisé, c'est l'exceptionnel qu'on retient.
Je n'aurais jamais fait tout un article sur un burger quelconque, j'ai fait tout un article sur le seul "burger" de McDo qui ne ressemble pas à du McDo - et qui, au passage, a rendu le reste du McDo mauvais.
Pour reprendre le thème général de mon blog :
Il y a quelques pépites, écrites ou filmées qui ont changé notre regard, notre conception de ces mêmes écrits.
Certaines révélations cinématographiques extraordinaires (dans le sens premier du termes) qui nous ont mis sur la voie de nouveaux concepts.
Je pourrais citer facilement Citizen Kane, Il était une fois dans l'ouest, Mulholland drive, Matrix ou plus récemment Avatar et Baby Driver, qui ont changé notre façon de faire ou de voir du cinéma.
Il y en a beaucoup d'autres je ne peux pas les citer tous.
Mais c'est par l'exception qu'on avance.
Je dirai même plus et je m'arrêterai là : C'est par l'exceptionnel qu'on avance.
Et si McDo en est capable. Alors on l'est tous, non ?
Bonne soirée.
Prenez soin de vous.
Et à bientôt !
à suivre...