myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

08/06/2020

la pertinence de transformer...

La réécriture, c'est donc une transformation. Le récit change.
Au moment où nous réécrivons, nous changeons l'histoire. Certaines tournures de phrases qui nous semblaient pertinentes à un moment donné le sont moins après relecture. Certains mots changent de sens, certains noms de personnages sont réécrits. L'histoire peut trouver une nouvelle signification.
En changeant quelques mots, tout peut trouver un autre sens.

Le sens de l'Histoire ?
Le sens d'une autre histoire ?
La semaine dernière, je me posais plusieurs questions sur la pertinence de réécrire. Cette semaine encore, on va continuer d'essayer d'y répondre.
Que faut-il réécrire ? Jusqu'où aller ?

Je ne sais pas si vous avez vu Hollywood la nouvelle série Netflix. Je vais la picther rapidement sans spoiler.
Hollywood est un lieu où tout le monde rêve de percer et vous suivrez les destins croisés d'acteurs, de scénaristes et de producteurs cherchant à proposer le meilleur divertissement pour tous !

Je suis volontairement très synthétique parce que c'est maintenant que je vais spoiler à mort !
Pour tous ceux qui n'ont pas vu la série, l'intrigue ne reposant pas sur un véritable twist, je vais surtout spoiler la façon dont elle est construite et assumée par Netflix dans une mise en abime complètement méta de la plateforme.

hollywood en 1930

Alors avant de commencer, je dois dire que je ne suis pas historien. Je ne suis pas un grand professionnel du cinéma et toujours pas un grand critique.
Donc dans ce que je vais dire il y aura des appréciations personnelles et des approximations.
Commençons donc.
Hollywood, de Netflix, est une version fantasmée d'Holywood. C'est assumé, promu tel quel par la plateforme. Ce Hollywood là n'a jamais existé.

Les noirs ne jouaient que des esclaves ou des serviteurs, les femmes n'avaient pas de pouvoir et les homosexuels devaient se cacher pour survivre...
Qu'est-ce qui a changé ?
Rien. Mais Netflix va plus loin cette fois.
Ils savent, de manière cynique ou non, que la diversité de leurs séries est un facteur de réussite. Ils ont donc pris l'habitude, bien avant d'autres productions d'inclure ce qu'on appelle de manière presque condescendante les minorités.

ça ne plait pas à tout le monde, mais Netflix répond (par l'intermédiaire de son CM) que ceux qui ne veulent pas voir plus de personnages de couleur, de sexualité et de genre différent n'ont qu'à se désabonner.
Netflix a compris, et c'est peut-être la grande force de cette plateforme, qu'il fallait trouver des histoires où tout le monde avait une place et où homosexuels, black, trans ont une place centrale (la place du héros) et non plus une place peu visible de faire valoir.

Ainsi, Netflix, qui utilise aussi la masse de donnée qu'il récupère sur chaque compte, chaque spectateur, chaque visionnage, est devenu précurseur sur ces séries qui incluent toutes sortes de gens dans toutes sortes de rôles.
Quitte à se prendre la foudre ?
Et alors ? Est-ce que c'est bien ou pas ?

Hollywood est donc une série inclusive. Mais donc irréaliste : "fantasmé".
Et c'est le risque.
Hollywood en 1930 n'était pas comme dans la série. Une actrice noire ne pouvait pas assister à la première d'un film. Une actrice noire ne pouvait pas faire la promotion d'un film. Une actrice noire ne pouvait pas gagner un oscar sans attendre sa consécration au dernier rang de la salle.
Mais surtout une actrice noire ne pouvait pas avoir d'autre rôle que les caricatures de l'époque : si elle est noire elle peut jouer une mama, une esclave ou une servante.
Pour ceux qui savent pas je parle de Hattie McDaniel, oscarisée pour Autant en emporte le vent, et qui apparait brievement dans Hollywood (la série) pour dire qu'elle regrette d'avoir abdiqué face au racisme.

C'est l'histoire ! Elle est triste, mais c'est l'histoire...
Certains quartiers de Hollywood étaient réservés aux blancs, comme certains bars, certaines places dans le bus, dans les salles etc.

réécrire l'Histoire...

Dans Hollywood, Netflix réécrit l'histoire. Une actrice noire arrive à avoir un premier rôle et pas un rôle de serviteur - elle joue même l'histoire d'un actrice blanche. Dans un film écrit par un homo black, réalisé par un Philippin, produit par une femme à la tête d'un des plus grand studio qui coute que coute voudra sortir son film... Film qui sera un des plus gros succès de l'année...
Bah non...
Me voilà face à deux choix de spectateurs :
- accepter l'utopie. Voir cette série comme un conte. Et comme tout conte, il me fait réfléchir à l'actualité de manière subtile.
Et sur ce point, autant le dire toute suite, si cette série en 7 épisode est un conte, elle est loin d'être subtile.
- sortir de la série et commencer à critiquer.
Et le numéro d'équilibriste que nous propose alors les auteurs de la série est justement assez casse-gueule.

Hollywood est une version fantasmée d'Hollywood. Ce n'est pas un biopic et en aucun cas une histoire vraie.
Elle est pleine de bonnes intentions et même si elle n'est pas subtile elle fait quand même réfléchir sur la place des minorités dans l'industrie des cinémas et dans la société en règle général.
Suis-je moi-même réticent ? Suis-je moi-même critique ? Suis-je moi même assez proactif sur les sujets ?

C'est pas simple.

Hollywood est un conte anti-raciste qui nous rappelle que la place des minorités est encore en arrière plan.
La série nous montre - enfin ! - des héros de toutes les couleurs, confessions et sexualité. En mettant donc à la poubelle le Hollywod réel bien plus raciste, machiste et homophobe.

Mais est-ce bien de réécrire l'histoire ?
On se pose la question depuis la semaine dernière : doit-on réécrire l'Histoire ?
Ceux qui regardent Hollywood comme un documentaire ont tort. Et Netflix l'a bien vendu comme ça : c'est une fable. Il ne faut pas croire aux fables, juste comprendre leur essence et tirer d'elles les messages et les morales cachés...

épilogue, épithélium

L'Histoire est mal écrite. Elle est honteuse.
Les grands gagnants des guerres ont partagé le monde, les peuples ont été persécuté à cause de leur couleur de peau, de leur religion ou de leur sexualité.
L'Histoire se répète et elle est explosive.

En tant que male blanc, j'ai un privilège certain : je peux dire sans risquer de me prendre un déferlement de haine que le racisme anti-blanc n'existe pas.
Je ne suis pas contrôlé au facies, je n'ai pas besoin de justifier mon identité, je ne risque pas d'être harcelé au boulot (un peu psychologiquement quand même) et je n'ai pas peur d'avoir des mains au cul dans le métro (ça m'est arrivé une fois mais j'ai cette chance de pouvoir me sentir flatté plutôt qu'agressé).
Donc je ne peux pas vraiment comprendre et parler du racisme. Une fois encore, je vais invoquer le méta, on ne parle que de ce qu'on connait.

D'ailleurs cette fameuse série Netflix est réellement méta. On voit bien les soucis des producteurs cherchant à faire une série avec une tête d'affiche noire étant bloqués par des taux d'audiences (dans les cinémas lol, c'est so 1930) et faisant tout pour intégrer au mieux toutes les personnes construisant notre monde.

Mais peut-on réécrire l'Histoire ?
Edmond de Rostand n'a pas écrit Cyrano de Bergerac entre le bar tenu par un poète à la peau d'ébène et le théatre où il était amoureux d'une costumière. Mais Edmond (le film) le raconte comme ça.
Jean-Baptiste Poquelin n'est pas tombé amoureux de la femme de l'homme qui l'avait engagé pour l'aider à séduire des précieuses (ridicule) et c'est toute cette aventure qui lui a inspiré ses plus fameuses pièces. Dans la langue de Molière !
Mais les histoires sont plausibles et nous donnent envie de lire, de voir ou de regarder les oeuvres originales de ces auteurs...
De la même façon, Netflix, avec cette série, nous permet de nous renseigner et j'avoue ne jamais m'être intéressé au cas de Hattie McDaniel ou de Peg Entwistle.

Rendre plus visible une histoire ? Des gens ? Les rends plus charismatiques.
Raconter une histoire avec les techniques actuelles de narration. En gardant les actions sur une unité de temps, de lieu.
Ajouter du suspens ! Des romances.
Des prouesses techniques ou des effets spéciaux. Des jolis cadres, de beaux mouvements de caméra.
C'est ce que doit nous proposer le cinéma (et les séries). Et les bardes en général.

Avec un effet à double tranchant : les histoires ont une telle force que si elles mélangent réalité et fantasmes, les gens auront tendance à tout croire et à ne pas chercher.
Il ne faut pas que les jeunes générations - oh le vieux - qui tombent sur Hollywood ou même Hunters les prenne pour argent comptant y voit l'Histoire.

L'Histoire est très complète, malheureuse, pleine de guerres, de massacres, de racisme de tout bord.
Nous ne pouvons pas la renier.
Nous ne pouvons pas l'effacer.

Mais je pense que nous avons besoin de ces bardes équilibristes qui arrivent à mêler dans leur fable l'Histoire et les petites histoires en transformant un contexte, en nous faisant réfléchir sur notre passé et notre avenir.
Mais surtout nous mettant face à nous mêmes.

Après, Hollywood c'est pas non plus Waouh quoi...
Juste cela m'a fait réfléchir...
Je ne suis pas contre l'idée d'une petite sirène noire et si je ne veux pas que Omar Sy joue Louis XIV c'est parce que quitte à faire un roi "noir" autant prendre un acteur un peu plus... Bah Omar Sy c'est pas non plus un énorme acteur quoi.
Je ne suis pas contre l'idée.

Après comment distinguer l'inclusion forcée directement pour des raisons financières et l'inclusion utile pour de la réflexion.
Et à cette question j'ai envie de répondre, peu importe, le but pour le moment c'est qu'il y ait plus de minorités à l'écran.

J'écrivais la semaine dernière que chaque auteur a le droit d'avoir sa vision de son oeuvre, je rajouterais aujourd'hui que chaque spectateur, lecteur ou auditeur a le droit de se trouver des héros, des modèles à suivre et s'approprier une histoire...