myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

09/03/2020

rendre à césar

J'ai hésité. Puis je me suis dit : "faut en parler quand même, tout le monde en parle."
Et alors, je me suis répondu, y a plein de trucs dont tout le monde parle que je ne traite pas.
Et puis, qu'est-ce que je pourrais ajouter ? Si vous avez suivi les 10 derniers jours, vous savez que les Césars, récompenses du cinéma français, on fait couler beaucoup d'encre.
"Oui, mais quand même, il y a une histoire derrière. Et tu aimes bien les histoires."
Justement, je ne sais pas quoi penser.

Je n'arrive pas à comprendre l'histoire derrière tout ce qui s'est passé aux Césars, mais surtout, je ne comprends pas les histoires après les Césars...

Reprenons, Polanski, réalisateur, violeur, pédophile et dans quel ordre ? Qu'est-ce qu'on en sait vraiment ? En tout cas accusé et ayant fuit la justice américaine est nommé pour récupérer une récompense (12 en fait, mais il y en aurait qu'une qui lui reviendrait, celle du meilleur réalisateur, celle du meilleur film revenant au producteur).
12 récompenses pour un film sur l'affaire Dreyfus, l'affaire qui avait inspiré Zola et son "J'accuse !". D'où le titre du film.
Un des moments les plus forts de notre histoire (puisque les adaptations sur la seconde guerre mondiale sont la plupart du temps réservé aux américains : Dunkerke, Il faut sauver le soldat Ryan, La Grande Vadrouille...) Une histoire donc très franco-française, importante, structurante.
C'est dommage, on n'en parle pas assez finalement, mais c'est normal, le film rappelle que Polanski est un fugitif. Et à sa sortie, et depuis le mouvement #metoo et #balancetonporc, les paroles se libèrent et voilà qu'il est publiquement accusé par une autre actrice de faits tout aussi sordides de ce qu'il a fait aux Etats Unis.

Pour rappel donc, le mec est coupable de viol sur une mineure. Il a été condamné, mais, décide de prendre l'avion pour la France, puis se réfugie en Suisse et depuis ce jour (1978) doit expressément se présenter devant le procureur qui ne veut pas classer l'affaire (même si la victime semble lui avoir pardonné - moyennant finance ?) tant que Polanski ne se sera pas présenter devant lui.
Je n'ai pas bien compris les détails, mais la défense accuse le juge de s'acharner. Mais en gros cette affaire là semble, aux yeux de tous, sauf du procureur classée pour de bon.
Aux yeux de tous, presque, puisque tant qu'elle ne l'est pas, Polanski est toujours recherché par Interpol et ne peut circuler qu'en France, en Pologne et en Suisse...

Et là ça se complique, car si l'affaire n'a pas été un véritable frein à sa nomination (et sa victoire) en tant que meilleur réalisateur aux Oscars 2003 pour le pianiste, elle n'est pas la cause de toutes les polémiques qui tournent aujourd'hui.

La cause, une parole plus libre (enfin, pourrait-on dire) et la sortie du film J'accuse et sa nomination pour 12 césars (12 césars qui récompenseraient Polanski, certes, mais aussi un tas de techniciens, de musiciens, un monteur, des acteurs etc. On y reviendra...)
Car la parole est libre et les femmes se défendent, elles en ont assez de passé au second plan et elles en ont assez de se faire tripoter, violer (draguer lourdement, dirait Weinstein) sur les plateaux de cinéma...

et le césar est attribué à...

C'est légitime putain. C'est normal. Aucune femme ne devrait avoir peur d'aller au travail, en course, en boite...
Je fais du Mensplaining là mais excusez-moi.
Je suis un homme, blanc, cys, hétéro, et peut-être pas le meilleur pour parler de tout ça mais ce que je vois me choque. Alors pour qu'on soit bien clair, je pense qu'il m'arrive d'être sexiste. Je pense qu'il m'arrive de regarder des fesses ou de mater de boobs. Je pense qu'il m'arrive d'avoir des paroles malheureuses sur les minorités. Ce qu'on appellerait aujourd'hui du "racisme ordinaire" quand autrefois on disait "humour". Je ne suis pas du genre à me planquer derrière le "on ne peut plus rien dire" ou le fameux "il faut être politiquement correct". Plus jeune, je disais "tarlouze" au rugby et ça ne semblait blesser personne mais peut-être que si en fait.
Bref, je suis un homme blanc et peut-être con. Ce qui ne me rend pas légitime sur le sujet. Mais j'avais quand même envie d'en parler un petit peu.

Déjà parce que j'ai évolué (heureusement) et que même si je n'ai jamais été un gros con et que j'ai toujours respecté tout le monde (et pas que les femmes) j'ai pu avoir des attitudes limites. Mais faut me comprendre, on verra quand il faudra porter des charges lourdes ! (OSS117, le prochain risque de moins bien marcher...)
Donc, je ne trouve pas normal que les femmes soient en insécurité. Je ne trouve pas normal que leur tampon soit taxé à 20% alors que c'est un produit de première nécessité. Et tu fais quoi ? Bah rien.
Dans la vie de tous les jours j'essaie de me comporter normalement... J'espère que je ne suis pas un gros con... (mais on y reviendra aussi)

Aux Césars donc, alors que plusieurs actrices ont pris la parole contre Polanski vient Foresti.
Elle ne connaissait pas les nommés avant d'accepter son fameux cachet dénoncé par Hanouna et décide de présenter les Césars.
Alors que dire...
Déjà que je ne regarde pas tous les ans les Césars mais que je ne me souviens pas que les Césars n'aient été qu'un grand sketch. Alors certes, Foresti a du talent et elle a mis les pieds dans le plats direct : "12 problèmes", "kékonfait avec acthoum" mais elle est moins acide qu'un Ricky Gervais par exemple et finalement n'a fait qu'un gros one-woman-show tout le long du spectacle. Je ne me souviens plus des autres années, mais de mémoire, les gars parlent de cinéma entre les récompenses non ?
Bref, si je l'ai trouvé très bonne, je ne peux pas dire comme tous ses soutiens qu'elle a été excellente.

Les prix sont remis au cours de la soirée jusqu'au fameux prix qui a foutu le feu.
L'ensemble de la direction des Césars avait démissionné une semaine avant à cause de tout ce foin et c'est important de le signalé. Bref. Les prix défilent. Certains mérités, d'autres.... mérités aussi j'imagine. Jusqu'à l'annonce du meilleur réalisateur : Roman Polanski. Sacré donc ce vendredi soir...
Stupeur dans la salle... Personne ne sait quoi faire. Certains applaudissent, d'autres sifflent... Et Adele Haenel sort en criant "la honte".
Si j'étais un gros beauf, je dirais, comme lors de talk-show de Pascal Praud, mais qu'elle hystérique, il faut qu'elle se soigne. C'est une mauvaise perdante c'est pour ça...

On a entendu tellement de conneries durant cette semaine... Comment s'en sortir ? Comment départager tout le monde dans cette crise de folie collective ???

moi j'dis ça...

Non Foresti n'est pas écoeurante. Oui, elle a bien fait de ne pas revenir sur scène. Oui, Adèle a bien fait de partir. Oui le discours de Aïssa Maïga était important mais non désolé je ne suis pas d'accord avec ce qu'elle dit sur Vincent Cassel. Oui, y a moins de blancs dans le cinéma africain... Nadine... franchement... Nadine...
Juste pour en revenir au discours de Aïssa Maïga. Elle a voulu faire un trait d'esprit sur Vincent Cassel, le mec de la cité, donc le black. Mais c'est un peu tombé à l'eau. Elle avait le trac, elle n'a pas été assez explicite. Il n'en reste pas moins que son discours était important. Et à ceux qui disent, oui, mais elle fait référence à Saïd Taghmaoui qui a disparu du cinéma français alors que Cassel a percé... mais euh... C'est parce qu'il a fait G@mer qu'il a disparu en fait...
Et sans Cassel, on aurait pas eu des films des Kourtrajmés et donc Les Misérables.
Après je ne suis pas noir donc je ne sais pas comment prendre son #négrophile. Je ne suis pas concerné ? Au mieux, je peux dire que c'est maladroit.
Donc Aïssa n'était peut-être pas ironique... J'en sais rien. Son discours était bien juste cette allusion sur laquelle j'ai des doutes...

Et tout ce qui s'est passé derrière : Beigbeder, Guillon, (je ne compte pas Hanouna et Praud hein, on prend que des personnes qui ont deux trois neurones) Lambert Wilson d'un coté. Roumanoff, Virginie Despentes, Lanvin, de l'autre. Tout le monde a été sommé de réagir sur cette cérémonie pas comme les autres.
Et d'ailleurs on ne se souvient déjà plus des gagnants (par exemple Anaïs Demoustier est une excellente actrice et tout le monde semble s'en foutre).
Dans tous les cas, il faut réfléchir un peu...

Coté raison : il a purgé sa peine, sa victime veut qu'on le laisse tranquille, Polanski aux yeux de la loi n'est plus coupable. Toutes les accusations contre lui ne sont que les paroles de "victimes" et il ne pourra plus jamais se défendre car les faits sont prescrits...
Coté coeur : les victimes ont déjà du mal à se faire entendre en temps général, encore plus quand elles accusent quelqu'un de connu car on leur reproche toujours de se faire de la pub sur le dos du coupable. Alors la parole libre c'est une bonne chose...
Coté raison : Mais derrière, y a des gens qui ont bossé sur ce film ! Des tas de gens talentueux.
Coté coeur : Au mieux inconscient, au pire complaisant. Qui sont les gens qui veulent bien travailler avec un violeur ? Qui sont les gens qui veulent bien construire l'étoile Noire.
Coté raison : Il n'y avait qu'un seul César à ne pas remettre ce soir là.
Coté coeur : Le cinéma français doit se nourrir de cette polémique pour changer...

épilogue épié.

Vous l'aurez compris, je ne suis pas un expert et je ne sais pas ce que cette histoire doit nous apprendre. Aujourd'hui, personne n'est irréprochable. Personne n'est tout blanc ou tout noir. Et ce monde manque de nuances de gris (smiley coquin).
On ne peut pas séparer l'oeuvre de l'artiste. On m'a fait remarqué récemment que par nature (par définition), les artistes sont des mecs complètement baisés. Carrément dingues. Oui, il faut être fou pour avoir une idée fixe (je vais écrire, je vais jouer de la musique, je vais faire des films...) et s'y tenir.
Les acteurs sont encore pires quand on pense à tous les rôles qu'ils doivent jouer.
Donc il est normal de voir plus de déviant dans le cinéma qu'ailleurs dans la société. Pour paraphraser Blanche Cardin, oui, un boulanger violeur va en taule même s'il fait la meilleure baguette de France.

Est-ce que les récompenser c'est pardonner ? Est-ce que récompenser Polanski c'est cracher au visage de toutes celles qui l'accusent ? Est-ce que la justice suffit ? Est-ce que le monde ne serait pas en train de devenir fou ?

Quelle est l'Histoire derrière toute cette histoire ? Que retiendra-t-on ?
J'ai l'impression que le cinéma n'a pas encore compris. Vous savez que ce sont tous les professionnels du cinéma qui votent pour attribuer les Césars ? Qu'est-ce que ça veut dire ? ça veut dire que pour ses pairs, Polanski mérite le trophée.
Est-il vraiment le meilleur réalisateur ? Ce film est-il réellement bien réalisé, bien joué ?
Est-ce une récompense pour l'ensemble de la carrière de Polanski ? Il avait déjà eu un César (et un oscar) pour Le Pianiste... Alors pourquoi lui donner celui-ci. Celui qu'il n'aurait jamais du avoir ?
La présomption d'innocence ? On sépare l'homme et l'artiste jusqu'à preuve du contraire ? Après tout si les faits étaient avérés, elles n'avaient qu'à porter plainte avant !

Le message est catastrophique... Je le pense sincèrement.
Les réactions sont belles. L'image d'Adèle Haenel restera. Le symbole est fort.
Mais on aurait pu faire autre chose je pense de tout ça.

NB : Je voulais mettre des liens sur tous les articles et réactions que j'ai relu pour préparer cet article (sorti un jour trop tard) mais comme je suis d'accord avec tous ou plutôt d'accord avec rien. Je n'ai pas voulu en rajouter.
Ce blog est personnel, confidentiel. Et je n'ai pas la crédibilité suffisante pour donner mon avis sur ce qui a "secoué" le cinéma (et la sphère médiatique) la semaine dernière (quand le Coronavirus n'était pas encore là et qu'on avait déjà oublié les sextos de Griveaux)...

Comme à chaque fois, je vais devoir trouver une morale à mon article, une conclusion qui résume tout. écrite en rouge, qui attire l'oeil et qui peut être identifié facilement en fin de mon article et qui en une phrase décrit la pensée du moment.
Le monde manque de nuance. Le monde est bipolaire. La raison et le coeur ne se parlent plus et c'est vraiment dommage. On réagit quand il faudrait se poser et réfléchir. On essaie de rationaliser des émotions alors qu'il faudrait les libérer.

Je ne me place pas au dessus de la mêlée, bien au contraire. Mais sur certains sujets, à certains moments, je sais prendre de la hauteur.
Bonne semaine.
On est lundi.
Tout ne fait que (re)commencer...

à suivre...

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