myrzouick

écrire, scénariser et mourir vite...

07/11/2019

pourquoi écrire

J'ai toujours ressenti le besoin d'écrire. Depuis tout petit ou presque ; depuis que ma prof de CM2 m'a demandé d'écrire mon premier conte ; puis lorsque Mlle Grand en 6eme m'a donné mon premier cahier pour y écrire une histoire. Première histoire que je garde précieusement dans un tiroir.
Le pitch : Théo et Thomas, deux scientifiques sont appelés en renfort dans un zoo immense pour remettre les animaux en cage.
Il y avait de l'action (charge de rhinocéros, crocodiles acrobates, singes farceur et fauves féroces) et ça finissait bien. Si bien qu'un deuxième tome a été écrit, Théo et Thomas sur les traces du monstre du Loch Ness...

Je me souviens encore des premières critiques de ma professeur de français et donc les premiers conseils que j'ai eu dans l'écriture. Pourquoi vient-on chercher ces deux scientifiques, des "cerveaux sur pattes" comme je l'ai écrit ?
C'est con mais cette phrase est restée et ce simple conseil (ainsi que les encouragements de cette prof à faire un tome 2, puis d'écrire encore et encore) s'est gravé en moi.

Pourquoi.

Pourquoi est-ce qu'on va chercher le héros ? Est-ce le hasard ? Le destin ?
Si utiliser le destin ou tout autre assistance divine place l'auteur dans le rôle de dieu, les autres excuses ne sont pas toujours les bonnes.
J'aime qu'un héros provoque sa destinée lui-même...

Bref, la causalité m'a toujours trituré l'esprit. Si on ne s'embarasse pas dans des nouvelles de poser un décor, de chercher des raisons pour chaque chose. Dans les romans, j'aime essayer de toujours trouver une excuse pour que l'homme ou la femme que j'y décris accepte et vive l'aventure...
Pourquoi lui ? Pourquoi elle ?
Un destin extraordinaire attend celui ou celle qui vit ses lignes...

J'essaie aussi de rester humble, si je suis un créateur, je ne suis pas dieu, même si le diminutif de mon nom le dit ainsi. Je suis juste quelqu'un qui s'est déjà retrouvé devant une page blanche, devant un écrit et j'ai déjà, en toute modestie, participer à un processus d'écriture.

Parce que j'écris, je sais comment les vrais écrivains écrivent. J'ai un peu d'expérience et bien que je ne sois pas publié, je sais que certains de mes écrits s'améliorent avec le temps... Et aujourd'hui, comme je ne savais pas quoi dire sur les scénarii ou sur les livres, je vous offre de nouveau une nouvelle.

écrire, scénariser et mourir vite... parce qu'à la fin, vous n'avez plus rien, mais vous entrez dans le panthéon des créateurs. Créateurs de vie, faux dieu, sadique marionnetiste. Finalement qu'être ?

Il sera une fois / Scandale de Mars

Il a le souffle court et regarde droit devant lui. Il ferme les yeux lentement en expirant tout l’air de ses poumons. Une légère buée apparait sur le casque de sa combinaison avant de disparaître aussitôt. Il inspire et ouvre les yeux. Il a chaud, malgré le système de ventilation de sa tenue, mais une sueur froide coule le long de son dos. Il est prêt. La porte du vaisseau s’ouvre lentement. Il regarde sur la droite, la caméra est toujours en place. Il descend doucement les marches du module et pose son pied sur le sol ocre. Un coup d’œil furtif vers la caméra, le monde attend. Malgré la haute définition de la retransmission, personne ne remarquera, à cause de la visière dorée, que l’homme hésite...

Ils sont des milliards devant leur télévision à des millions de kilomètres de lui. Le signal mettra quelques minutes à leur parvenir mais il sait déjà que toutes les chaines du monde annoncent un direct historique, les chaines infos sont en boucle, les programmes ont été bousculés pour laisser place aux émissions spéciales avec invités prestigieux.

Le ciel est jaune, mais pas jaune vif, or ou lumineux, un jaune orangé tirant sur le brun, morne. Les montagnes au loin sont rougeâtres, poussiéreuses, presque sales. Il sait ce qu’on attend de lui, et c’est pour cette raison qu’il est paniqué. Le premier homme sur Mars doit faire aussi bien, sinon mieux, que le premier homme sur la Lune. Les radios sont branchées, le monde retient lui aussi son souffle…

— Un petit pas pour l’homme, un bond de géant pour l’humanité.
Combien de temps a-t-il fallu au grand Niel Armstrong pour réfléchir à cette fameuse maxime ? La lune n’était pas bien loin, il n’avait eu qu’une semaine pour y penser. Lui, cela faisait des mois qu’il était dans l’espace et, malgré le manque de sommeil, malgré les exercices quotidiens, il n’avait pas arrêté d’y penser. Bien sûr certaines manœuvres de correction de trajectoire, certaines réparations dans l’espace, l’avaient préoccupé, mais pas plus que cette question obsédante.

Il faut dire que les hommes au sol, comme ses collègues dans le cockpit, en avaient fait une sorte de blague récurrente qui avait fini par l’énerver passablement.
— Alors ? lui disait-on, qu’est-ce que tu vas dire ?
— Je verrai sur le moment, répondait-il au début avec un demi-sourire.
Et quand ils insistèrent.
— Alors ? Ta phrase ?
— Vous verrez bien.
Jusqu’au jour où il arrêta de leur répondre, tout simplement.
Tout simplement...
La question était sur toutes les lèvres : quel serait le premier mot du premier homme à poser le pied sur Mars ?

Le premier mot pour la télé, bien sûr.
Parce qu’il était descendu un peu plus tôt pour installer la caméra avec les autres astronautes et son premier mot n’avait été qu’un « wow » suivi d’un « bon, aller les gars, on décharge » ce qui rendait la situation bien plus compliquée. Il devait jouer la surprise comme si un drone avait été envoyé un peu avant pour filmer la descente. Niel Armstrong avait certainement dû faire la même, poser la caméra, remonter dans le module, redescendre, lancer sa phrase, taquiner Monsieur Gorsky...
Bon, la caméra était tombée une fois, il avait fallu faire demi-tour et la remonter. La lune n’avait pas ce problème de vent, l’atmosphère martienne, bien que très faible, avait quand même certains désavantages.
Et pendant ce temps, il avait pensé à ce qu’il pourrait dire. Sans trouver.
La NASA aurait dû engager un chargé de communication pour ça. En fait, la NASA aurait dû tourner l’atterrissage en studio, avec un dialoguiste, un réalisateur de génie – Scorsese ou J.J Abrams par exemple – et ainsi satisfaire les fous-furieux paranoïaques qui avaient déjà crié au complot pour l’alunissage de 69.
Les scientifiques ne savent pas vendre correctement leurs découvertes… Comme ce type qui, après avoir posé une sonde sur une comète – une sonde sur une putain de comète bordel ! – avait dû s’excuser de porter une chemisette avec des femmes nues imprimées dessus.
Des mois de patience, des années d’entrainement, et on ne leur filait pas un morceau de texte.

L’astronaute souffle, fait un pas de plus.
Devant lui une vallée rocailleuse, morte. Le site le plus convenable pour un atterrissage mais bien moins glamour que prévu. Rien à des kilomètres à la ronde, la plupart des robots parcourant Mars sont vers les pôles, HS ou tout simplement éteints. L’homme repense à tout cet argent dépensé, cette campagne du nouveau président expliquant que la suprématie de la nation ne peut passer que par la suprématie dans l’espace. Des milliers d’hommes ont travaillé tellement durs sur ce vaisseau qui, au moment du décollage, était déjà dépassé. Les prochaines missions seraient plus agréables, plus rapide, moins cher. La conquête spatiale était lancée. L’homme marchait sur Mars.
L’homme marche sur Mars.
Et il a peur. Peur de ne pas être à la hauteur. C’est vrai. Il a, pendant des mois – des années, sacrifié sa famille pour le bien de l’humanité. Il a cristallisé des attentes incommensurables et le tout pour se retrouver en plein désert du Nevada vu à travers un filtre rouge ?

— Vous rendez-vous compte de ce que nous faisons !
Bizarrement, c’est la phrase de son professeur de sciences physiques au lycée qui résonne dans son crâne. Vous rendez-vous compte de ce que nous faisons… Lui, à cet instant précis somnolait, le menton bien calé dans sa paume. Non, il ne se rendait pas compte. Il ne se souvenait même plus du cours qu’il suivait. Mais la phrase était un écho. Les gens ne s’intéressaient pas. Ils oubliaient qu’ils vivaient dans un monde merveilleux où le simple fait de comprendre les forces en jeu permettait de s’élever. Littéralement.
Il avait parlé, à l’époque, des photos de Pluton à ses élèves, dix ans qu’une boite de ferraille avec l’ancêtre de la GoPro filait dans l’espace pour prendre des photos de la plus éloignée des planètes – qui n’en était plus une entre temps – mais en fait si – mais on va dire planète naine plutôt – et le jour où elle était arrivée à destination il n’y avait eu que quelques lignes et une seule photo d’amour de cette petite planète que nous n’aimions plus aux informations.
— Vous vous rendez compte...

Sont-ils vraiment des milliards à attendre ?
Les photos de Pluton avaient mis huit minutes pour arrivées sur terre, huit petites éternités pour les scientifiques de la NASA attendant. Mars est plus proche, mais le temps commence aussi à être long.
La même année, on avait découvert une nouvelle façon de voyager en construisant de nouveaux moteurs prêts à mettre Einstein à genou. Enfin, c’est ce qu’on disait. En attendant, l’homme arrivait sur Mars, la première pierre de l’édifice de la véritable conquête de l’univers…
N’avait-on pas dit la même chose en 1969 ?
L’astronaute soupire.

Ou un publicitaire. Il n’y a personne de plus percutant qu’un créatif renommé le nez bourré de coke. Nous nous souvenons tous de tant de marques par leur accroche à travers les âges. Ils ont le sens de la formule. Il a besoin d’une formule. Qui dit que le meilleur ami de Niel Armstrong n’était pas un de ces gars-là ? Une accroche… Il aimait bien voyager avec cette petite compagnie française… Qui avait trouvé : faire du ciel le plus bel endroit de la terre. Il trouvait ça si bien.
— Faire de Mars le plus bel endroit de la Terre.
Hors sujet, même si la terraformation commencerait le lendemain… Et puis c’était un scientifique, ce n’était pas un homme sandwich, ses premiers mots devraient être rempli d’espoir et de sens pour tout un monde qui attendait au loin. Pas une sorte de top dix des meilleurs slogans publicitaires.
— Mars, venez comme vous êtes.
— Mars et ça repart... Déjà fait.
Ce serait ridicule… Et pourtant. Quand on y pense, tous ces grands groupes qui avaient financé en partie le voyage, ne voulaient-ils pas un retour sur investissement plus rapide que ce qu’on leur proposait avec la lente et longue terraformation ?
Il secoue la tête pour chasser ces pensées.

Le monde rouge avec son atmosphère orange, ocre, jaune. Ce soleil si petit et pâle comparé au beau soleil jaune de la Terre. Et ces mots encore bloqués dans sa gorge. Il sent les regards de tous les contrôleurs derrière leurs écrans.
— Aller, dis-nous quelque chose…
Ils sont crispés, il peut le comprendre, le voyage ne sera pas complet s’ils n’ont pas un message radio. L’image ne suffit pas. Il faut envoyer le son…
Un petit signe de la main ?
Non imbécile.

— Tout commence !
Il était rentré chez lui en hurlant ces deux mots. Il était heureux, sa femme lui avait sauté dans les bras comme dans tout bon cliché d’astronaute. Elle était folle de joie même si cette bonne nouvelle annonçait qu’il allait partir au moins une année entière dans l’espace loin d’elle.
Tout commence : l’entrainement, les tests d’aptitudes physiques, les tests psychologiques, les heures ou les journées passées dans un simulateur.
Le rêve d’une vie qui se concrétise.
Et désormais le rêve de toute l’humanité. L’espace disposait probablement de nouvelles ressources que l’Homme (avec un grand H) pourrait exploiter. Il faut dire qu’il fallait bien plus d’une seule terre pour nourrir la population mondiale et la course aux exoplanètes ne ferait que commencer. Il fallait aller vite.
Mais sur le moment, il ne ressent rien de tout ça, il se sent vide. Il regarde l’horizon mort.

— Tout ça pour ça, lâche-t-il enfin.

L’image se fige.

à suivre...

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